Le 12 septembre 2024, la chambre d’agriculture du Cher avait convié l’ensemble des agriculteurs du département concernés par le sujet de l’irrigation à une journée spécialement dédiée. Les acteurs et des constructeurs d’équipements engagés dans cette activité étaient ainsi conviés à montrer leur savoir-faire. Aux côtés des fournisseurs habituels d’équipements, figuraient aussi quelques sociétés spécialisées dans les services et conseils agro-météo telles que Sencrop et Weenat. Retour sur les solutions d’irrigation au compte-goutte.
Irrigation au compte-goutte : recourir aux OAD
Cette dernière société propose des stations connectées en mesure d’enregistrer des données météo précises (précipitations, hygrométrie, température, ETP…) et de communiquer des prévisions sur deux semaines. Grâce à des sondes capacitives ou tensiométriques installées dans la parcelle, l’irrigant dispose via une application d’informations stratégiques. Par ce biais, il pilote finement son irrigation en fonction de l’état hydrique de ses sols et des besoins des cultures en place.
L’outil numérique relié directement au smartphone transmet, sous forme de graphiques, l’évolution de la tensiométrie. Et l’agriculteur peut ainsi créer des alertes personnalisables (par SMS ou e-mail) en fonction de seuils prédéfinis. Des outils d’aide à la décision sans capteur existent aussi, tel que Net-irrig by Seabex, conçu par la chambre d’agriculture Centre Val de Loire.
L’objectif est d’estimer le bilan hydrique des sols et de savoir quand déclencher l’irrigation au compte-goutte. Ces outils s’avèrent de plus en plus nécessaires compte tenu de l’enchaînement des épisodes de stress hydrique. Même si l’acquisition des stations agri-météo et leurs équipements (pluviomètres, sondes, capteurs…) avec l’abonnement peut représenter un coût non négligeable.
Miser sur la génétique
« Le progrès génétique continue même en situations stressantes », rassure Bastien Chopineau d’Arvalis – Institut du végétal. Les mesures effectuées sur 66 variétés hybrides de maïs (inscrites de 1950 à 2015) testées dans six environnements distincts montrent un gain de 1 q/ha/an. Arvalis – Institut du végétal a présenté en parallèle des résultats d’essais sur maïs menés sur douze variétés selon deux scénarios climatiques : une conduite irriguée sans limitation et un stress hydrique à la floraison.
Sans surprise, l’institut confirme la conséquence du stress hydrique sur le rendement. Surtout au stade décisif de la floraison qui impacte le nombre de grains/m2. « Les variétés ne réagissent pas toutes de la même manière », ajoute l’ingénieur d’Arvalis. « On arrive désormais à mieux prédire le comportement des variétés, même si la recherche axée sur la tolérance au stress hydrique prend du temps », prévient Bastien Chopineau.
Pour l’agriculteur, le choix de la variété à semer dépend plus que jamais de l’adaptation de celle-ci au milieu. Pour l’aider à choisir la meilleure variété, l’agriculteur devra s’appuyer sur les réseaux d’expérimentation.
Cibler les apports d’eau au bon moment
Jérôme Brunet, conseiller à la FDGEDA du Cher (fédération départementale des groupes d’études et de développement agricole) a présenté de son côté les résultats d’essais d’irrigation menés sur des parcelles de maïs. Sans contrainte hydrique, la tardiveté apporte du potentiel supplémentaire à la plante. Notamment sur la composante PMG (20 g de plus en moyenne). « Par contre, en régime modérément restreint à 66 % ETM (évapotranspiration maximum), on augmente l’hétérogénéité des rendements au sein des variétés », explique le conseiller de la FDGEDA.
Alors, que choisir dans ce contexte ? « Économiquement, le choix se portera sur des densités allégées ou en précocifiant les variétés », pour le conseiller. Dans les arbitrages qui s’imposent à l’irrigant soumis à un faible volume d’eau prélevable, on conseille de privilégier l’apport d’eau aux stades clés de la plante. Ainsi, en maïs, la période allant du stade « floraison » jusqu’au stade « slag » (stade limite d’avortement des grains) est déterminante dans la formation des rendements.
Jérôme Brunet qui est spécialisé en agriculture de conservation des sols, insiste également sur l’intérêt d’avoir une bonne structure du sol en préservant la teneur en matière organique. Cela conforte la réserve utile du sol et facilite l’enracinement de la culture. Finalement, celle-ci sera plus résiliente au stress hydrique.
Opter pour des cultures irrigables moins gourmandes ?
L’alternative, en situation limitante pour l’accès à l’eau, peut conduire aussi à changer de cultures irrigables… Sur ce sujet, la FDGEDA du Cher et la chambre d’agriculture ont entrepris un essai d’irrigation sur du millet. « Le millet est la culture ‘bas intrants’ par excellence. En cas de semis tardif, ou de volume d’eau limité, il peut être une solution de remplacement du maïs dans l’assolement. Une irrigation précoce a permis de sécuriser la montée en épis et la fertilité. L’écart de rendement entre la culture menée en sec ou irrigué, génère quasiment 12 q/ha avec 60 mm », souligne la FDGEDA.
Là aussi, des règles de décision s’imposent pour décider des dates optimales d’apport d’eau en fonction du type de sol (profond ou superficiel) et du stade. « L’apport est prioritaire en règle générale au moment de l’épiaison. Il est rarement rentable au stade grains laiteux », précisent les conseillers.
Choisir des équipements adaptés pour une irrigation au compte-goutte
Enfin, le matériel d’irrigation a connu aussi des avancées technologiques telles que la régulation électronique de vitesse d’avancement sur les enrouleurs, capables d’assurer une répartition plus homogène de l’eau sur la parcelle.
Des équipements tels que le Gun Corner (Di Palma irrigation) permettent d’ajuster précisément la portée du canon d’irrigation pour arroser l’intégralité de la parcelle et notamment les coins, tout en évitant les chevauchements et l’arrosage des parcelles ou des routes adjacentes.
À la clé, l’irrigant peut espérer des économies d’eau. Des perfectionnements ont été développés aussi en matière de buses dont le diamètre est à adapter à la pression souhaitée au canon et au débit de l’installation.
On note aussi l’existence de buses basse pression conçues pour fonctionner sur pivots à de faibles niveaux de pression d’eau. L’enjeu est toujours le même : valoriser à l’optimum l’eau disponible.
De plus en plus de jours « échaudants » !
L’augmentation des vagues de chaleur et des périodes de sécheresse a des conséquences sur des risques d’échaudage et les périodes de stress thermique et hydrique, selon Camille Bosio, conseillère spécialisée en gestion de l’eau à la chambre d’agriculture du Cher.
Dans les années 2000, la référence était de 45 jours « échaudants » (température supérieure à 25°). Selon les scénarios retenus, on passerait à 57 jours par an entre 2020 et 2050. Et à 74 jours entre 2071 et 2100. Et même à 99 jours dans le pire scénario !
La conseillère ne prévoit pas dans les prochaines années de diminution du volume annuel de précipitations. En revanche, elle note dans les relevés pluviométriques et climatiques de ces dernières années, une forte variabilité interannuelle. Ces évolutions devraient inciter à mieux ajuster la gestion quantitative de l’eau (restrictions plus précoces, partage …) mais aussi à anticiper les changements à venir dans l’équilibre des systèmes fourragers.
Pour plus d’information, consultez aussi ces articles sur www.entraid.com :