Fréderic Gond, 50 ans, est administrateur du géant Axéréal et président de la commission «Jeunes» de la coopérative. Agriculteur dans le Loiret près de Beaugency, il est aussi président d’une cuma qui regroupe aujourd’hui 17exploitations.
Axéréal réunit 8.000 coopérateurs et adhérents actifs (13.000apporteurs). Elle s’étend sur 12départements et 17régions céréalières au centre de la France, de l’Ile-de-France au Massif central.
Entraid: Qu’est-ce qu’Axereal apporte à un jeune céréalier aujourd’hui?
Frédéric Gond: Choisir la coopération, c’est se poser les bonnes questions avec, en toile de fond, des échanges commerciaux concurrentiels exacerbés… En quoi ce mouvement collectif peut-il m’intéresser? Que peut-il m’apporter en termes d’accompagnement économique dans le monde d’aujourd’hui et de demain?
Nous, agriculteurs français, ne sommes pas indispensables en termes de sourcing sur le marché aujourd’hui. Ce qui fonde la coopérative, c’est l’équité et le regroupement de l’offre face à des acteurs du marché qui se concentrent aussi. Il ne suffit pas d’être assis sur son tas de blé pour le vendre, même avec 2.000ha. La coopérative a un rôle social important, sur la mutualisation des kilomètres pour aller chercher ceux qui sont dans des zones difficiles, sur son mode de gouvernance participatif. Le privé fait ce qu’il veut. Notre coopérative s’est investie dans la transformation (malterie-meunerie-nutrition animale) pour se donner l’accès au marché et gagner de la valeur ajoutée. Nous devons avoir autre chose que du blé ou de l’orge à vendre et nous rendre indispensables pour ne pas perdre nos marchés.
Quelle est votre vision des jeunes générations d’agriculteurs?
Le renouvellement des générations est un enjeu pour Axéréal, autant que ça l’est pour l’agriculture en général. Historiquement, Axéréal est une jeune coopérative, issue de la fusion de nombreuses coopératives, qui avaient toutes une politique en la matière, avec des aides économiques et/ou de l’accompagnement. Nous avons harmonisé les choses en ayant en tête que l’approche des jeunes est assez délicate. De mon point de vue, je pensais que la jeune génération d’agriculteurs était à l’image de la société, individualiste et peu intéressée par le collectif.
La réalité montre des choses bien différentes. Les sondages réalisés pour la commission«Jeunes» d’Axéréal montrent qu’ils s’intéressent au mouvement collectif, notamment s’ils s’y retrouvent en tant qu’individu. Dans une structure comme la nôtre, c’est un challenge. Avec 8.000coopérateurs et adhérents actifs, il apparaît difficile de prendre la parole. Ça n’est pas comme en cuma, où la gouvernance régit un groupe restreint, les fondamentaux coopératifs restant les mêmes. L’individualisme n’est finalement pas si fréquent. Choisir la coopération, c’est se poser les bonnes questions.
Pensez-vous qu’Axéréal soit bien perçue?
Nous souffrons d’une image souvent tronquée auprès des jeunes générations, fruit d’une méconnaissance de notre fonctionnement avec parfois, une certaine désinformation. C’est pour ces raisons que nous avons mis en place un parcours dédié. Trois cents jeunes en bénéficient actuellement, une centaine par an. Ce qui pour nous, reste une proportion correcte. Il s’agit d’un accompagnement sur trois ans. Dans un premier temps, nous leur faisons appréhender l’univers dans lequel nous vivons, nous agriculteurs, la connaissance des marchés, des échanges aujourd’hui mondialisés, les rapports que nous devons entretenir avec nos acheteurs qu’ils soient sur notre territoire ou à l’international. L’objectif est que ces jeunes agriculteurs, au regard de ces contraintes, se posent les mêmes questions que leurs aînés et gouvernants de coop.
Par la suite, nous les invitons à partager plus précisément les rouages, l’histoire de la coopération et le fonctionnement d’Axéréal. L’idée est qu’ils deviennent acteurs de leur métier et s’ils le souhaitent, qu’ils fassent partie des gouvernances de demain. Nous y expliquons les politiques mises en place par les conseils d’administration successifs, l’historique du groupe. On leur fait également prendre connaissance des statuts coopératifs sous un angle qui va bien au-delà d’Axéréal. Avec le temps, ils sauront ainsi comment s’en servir et entrer dans la gouvernance. Je me bats beaucoup pour que les jeunes aient une meilleure vision de la coopération agricole.
A qui proposez-vous cet accompagnement?
C’est un package que nous proposons aux producteurs de moins de 40ans qui s’engagent dans la coopérative, avec un premier niveau d’engagement de 55 à 80% sur l’appro et la collecte, en rapport avec l’activité globale de l’exploitation agricole du jeune, puis un second au-delà de 80%.
Concrètement, cela se traduit par une enveloppe de 10€/ha/an pour le premier niveau et de 20€ pour les jeunes adhérents engagés au-delà de 80% et ce, sur 3 ans. L’objectif est d’aider à la construction du capital social tout en permettant d’utiliser des outils d’aides à la décision, analyses de sol, options pour sécuriser les ventes de céréales, etc. Des services qui sont proposés par la coopérative.
Cette enveloppe est couplée avec un accompagnement plus humain qui permet une appropriation du monde commercial et coopératif. Deux jours par an, nous organisons des visites sur les sites de transformation, qui sont ponctuées d’échanges avec l’équipe dirigeante et les élus.
Entendez-vous les critiques liées au manque de développement de plus petites filières par les grands groupes?
Nous nous positionnons sur des stratégies à long terme avec de la valeur ajoutée. La construction de nouvelles filières est un exercice délicat. Il faut mettre en face les outils pour la collecte et organiser les débouchés, si l’on n’est pas le transformateur. Les structures coopératives n’ont pas droit au faux pas. Nous avons conscience que c’est un sujet transversal de valeur ajoutée et d’économie sur lequel les jeunes sont demandeurs. Nous y sommes arrivés avec la lentille verte du Berry et nous travaillons actuellement sur le soja. Nous étudions la faisabilité de nombreux projets sur ces points en gardant en tête qu’il faut être en phase avec un marché existant, avec une maîtrise quantitative des productions. Il faut répondre à la demande des producteurs mais aussi à celles des clients avec une rentabilité dans le temps. La filière créée doit être pérenne.
Avez-vous des projets en termes de développement digital des services de la coop?
Nous y travaillons. De nombreux outils sont déjà en place. Je pense que nous n’avons pas encore tout imaginé sur ce sujet en termes de service. N’oublions pas tout de même, que la coopérative est d’abord une entité où le lien humain doit rester fort, que ce soit au niveau des agriculteurs et des équipes mais aussi, avec nos clients acheteurs de nos productions.