Aujourd’hui à quoi ça sert de labourer ?
Julien Hérault : « La plus-value du labour est de cumuler 4 objectifs agronomiques en un seul passage : ameublissement (lutte contre la compaction des sols), désherbage, minéralisation (oxygéner le sol et favoriser la disponibilité des éléments fertilisants), contrôle des ravageurs (mulots, limaces, nématodes, etc) et des résidus/effluents.
A mon sens, le « charrue bashing » versus des pratiques de pseudo labour en TCS, tout aussi néfastes d’un point de vue durabilité, n’a aucune raison d’être. Certes, le labour reste critiquable d’un point de vue conservation des sols. Mais la réflexion doit se faire selon nos objectifs agronomiques. Le travail du sol mécanique demeure un moyen. Si on n’a pas besoin des 4 objectifs du labour, il faut se tourner vers une alternative qui respecte mieux la structure d’un sol. Par exemple, si on a juste besoin d’ameublir, il vaut mieux se tourner vers un décompacteur qui ne mélangera pas les horizons.
Donc non, la charrue n’est pas morte ! Preuve en est, elle n’est toujours pas remplacée et sa conception n’a pas changé en 150 ans. »
Comment régler sa charrue pour économiser du GNR sur son chantier ?
JH : « Régler une charrue n’est pas difficile, il faut bien respecter la méthode et suivre l’ordre des opérations : la profondeur, l’aplomb, le talonnage, le déport puis le dévers. Mais c’est davantage du côté tracteur qu’il faut travailler pour économiser du GNR.
Le principal levier reste le taux de charge du tracteur : il faut le mettre à plus de 80% et le conduire « comme une ensileuse ». Il y a aujourd’hui sur le terrain une réelle sous-exploitation des tracteurs. Or, d’un point de vue consommation en carburant, il vaut mieux travailler avec un tracteur correctement dimensionné à pleine charge, plutôt qu’avec un tracteur trop gros sous exploité. En somme, il faut privilégier le taux de charge au régime moteur. Grâce à ce paramètre, il est possible d’économiser 5 à 10 % de consommation.
Autre levier de travail, la liaison tracteur-outil. En effet, la sous-exploitation du report de charge sous valorise la force de traction du tracteur. L’objectif à viser : un maximum de report de charge sur les roues motrices. Au labour, le tracteur a plus besoin d’adhérence que de puissance.
En optimisant ces deux leviers, l’économie en GNR peut atteindre 10 à 15 %. »
Quel est l’impact du labour sur le stockage carbone des sols ?
JH : « Le travail du sol, ou finalement le fait d’oxygéner un sol, favorise la minéralisation. Or l’enjeu du carbone stocké dans les sols concerne la matière organique. Le labour va transformer une partie de la matière organique et la rendre disponible. Il y aura donc un dégagement de CO2 et de CH4. Ainsi, on pourrait se dire que plus on travaille un sol, plus on diminue le taux de matières organiques et moins on séquestre de carbone. Cependant la réalité du terrain semble plus complexe. Des études de l’Inrae et d’Arvalis montrent que le taux de matière organique ne change pas avec le travail du sol. Ils observent plutôt une dilution de la matière organique dans les différents horizons.
En conclusion, il est aujourd’hui trop tôt pour conclure sur cette question. Ce que l’on peut dire de manière certaine, c’est que plus on produit de matière sèche, plus on stocke de carbone. »
Qu’est-ce qu’un labour agronomique ?
JH : « Tout d’abord, il n’y a pas de « labour non-agronomique ». Le labour n’est plus ni moins qu’une intervention culturale avec des objectifs (cf question #1). Aussi, ce qu’on appelle un labour agronomique est un passage de charrue réglé principalement selon un ou deux objectifs agronomiques. Il faudrait plutôt chercher à réaliser un labour de conservation. Par exemple privilégier une faible profondeur ou une répartition des résidus sur tous les horizons et jusqu’à la surface.
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