De nombreuses régions viticoles ont été touchées, en particulier « la Champagne, la Bourgogne, le Val-de-Loire, ainsi que le Languedoc-Roussillon » par des températures qui sont descendues jusqu’à -6 degrés par endroit, a indiqué jeudi à l’AFP Jérôme Despey, président de la Commission viticole du syndicat FNSEA. « La situation est vraiment délicate, car ces gels touchent des grappes qui commençaient à se constituer et risquent donc de griller et de mourir », a-t-il dit. La météo nocturne ne devrait pas s’adoucir avant dimanche.
En Bourgogne, à Chablis, déjà touché par le gel l’an passé, le système traditionnel de bougies ou chaufferettes pour réchauffer l’air autour des ceps de vigne a été disposé la nuit dernière dans une partie du vignoble. « Cela fait deux nuits que je suis debout à minuit. On surveille les températures, parcelle par parcelle, et on allume les bougies dès que le thermomètre affiche zéro degré un jour humide, et -2,5 degrés un jour sec » explique à l’AFP Stéphane Aufrère, vigneron à Fleys, dans la région de Chablis. Mais il ne protège ainsi qu’une toute petite partie de son vignoble d’une vingtaine d’hectares, en raison du coût de l’opération: 10 euros par bougie, et 400 bougies par hectare, qui brûlent chacune huit heures environ.
Dans le Jura, réputé pour son vin jaune vieilli plus de six ans en fût de chêne, le président du Comité interprofessionnel des vins de Jura (CIVJ) Jean-Charles Tissot, a indiqué à l’AFP que certaines parcelles ont été touchées à 100% et d’autres pas du tout dans la nuit de mercredi. La récolte 2017 « sera largement affectée » selon lui, « on pourrait approcher les 40-50% de dégâts », a-t-il estimé.
Brassage d’air, aspersion d’eau
« Nous suivons les températures avec attention » avait commenté mardi pour l’AFP le président du groupe Maisons et Domaines Henriot, Gilles de la Rouzière, qui possède une trentaine de grands crus et plusieurs dizaines de premiers crus en Champagne, Bourgogne, et Beaujolais. « Après un bon hiver bien froid, le cycle végétatif a bien repris, et le risque de gel de bourgeons est très grand » a-t-il dit. « Le problème, c’est que lorsque les températures descendent au dessous de -4/-5 degrés, il y a peu de recettes qui fonctionnent ». Outre les chaufferettes, un autre système de lutte repose sur des éoliennes qui brassent l’air pour empêcher le froid de s’installer.
Dans d’autres régions, des dispositifs d’aspersion projettent de l’eau sur la vigne. La fine gangue de glace qui se forme sur les feuilles et les tiges les protège du gel, comme des igloos miniatures. Aucun système n’est parfait. Les bougies à la paraffine ne sont pas idéales pour l’air environnant. Le système par aspersion nécessite de gros volumes d’eau et peut favoriser ruissellements et lessivage des sols.
Pour être définitivement hors de danger, les dictons populaires s’en remettent aux « Saints de glace » des 11, 12 et 13 mai (« Estelle », « Achille » et « Rolande », ou « Mamert », « Pancrace » et « Boniface » selon les calendriers, NDLR), « surtout si la lune est rousse à ce moment-là » commente un viticulteur.
En réalité, il n’y a pas de règle. Le dérèglement climatique, pointé par certains, a bon dos. « Mon grand-père a vu les vignes geler début juin avec de la neige il y a une cinquantaine d’années » à Chablis, rappelle M. Aufrère. M. Despey déplore pour sa part le faible niveau d’assurances-dégâts des viticulteurs français: selon lui, sur 800.000 hectares de vigne, seulement 15% sont assurés.