« On souffre d’une sécheresse sans précédent, les animaux sont affamés. Depuis la mi-juillet, il n’y a plus un brin d’herbe dans les pâtures. Pour les éleveurs, c’est une véritable catastrophe », s’alarme Thierry Chalmin, exploitant et président de la chambre d’agriculture de Haute-Saône.
« J’ai 58 ans, j’ai vécu 1976, je m’en souviens comme si c’était hier. C’était une sécheresse historique mais c’est incomparable avec ce qu’on vit aujourd’hui. Nos champs, c’est le Sahel! On se demande même si ça va repousser l’année prochaine », poursuit-il. « J’espère que le nouveau ministre de l’Agriculture va faire quelque chose parce que les gens perdent pied, ils sont désespérés. »
Les données de Météo-France permettent de mieux apprécier la situation: la station de Besançon, qui mesure précipitations et températures depuis 1885, « vient de battre un record: depuis le 13 juin, il n’est tombé que 135 millimètres d’eau », dit Bruno Vermot-Desroches, le chef de la station. « Depuis le 13 juin, on est en déficit chronique », poursuit-il, notant que la situation est identique en Bourgogne, en Alsace ou en Lorraine.
Le précédent record en la matière datait de l’année 1949, avec 140 mm de précipitations sur la période. En temps normal, il tombe environ 380 à 400 mm d’eau sur ces quatre mois. A titre de comparaison, les habitants de l’Aude ont reçu environ 300 mm de précipitations en seulement quelques heures ce week-end, selon Météo-France.
En outre, ce déficit de pluviométrie est « associé à une chaleur étonnante », relève Sébastien Chêne, directeur inter-régional pour Météo-France Nord-Est à Strasbourg. « En moyenne, on a 55 jours par an avec une température supérieure à 25 degrés. Depuis dimanche, on en est à 107 jours en 2018, un chiffre qui pourrait continuer à monter. »
Restrictions d’eau
Avec moins de pluie et davantage de chaleur, les sols sont très secs. « Pour mesurer l’humidité des sols, si en temps normal on a un indice de 1, en ce moment on en est à 0,2. C’est un record toutes catégories, le chiffre le plus critique jamais rencontré à ce niveau », souligne M. Chêne.
Une trentaine de communes de la région de Pontarlier doivent être ravitaillées quotidiennement en eau par camions-citernes, soit plus de 13.700 habitants, selon la préfecture du Doubs. Le lit du Doubs est tellement bas que la rivière se traverse à pied sec en certains endroits.
Toute la Franche-Comté est en niveau d’alerte 3, dit « de crise », avec des restrictions d’usage de l’eau. La région a voté la semaine passée une subvention d’urgence de 10 millions d’euros pour les agriculteurs. Une somme insuffisante, ramenée au nombre d’exploitations, note Thierry Chalmin.
De la même manière, le manque d’eau perturbe la navigation fluviale. « Le Rhin est à un niveau très bas, la circulation est donc très compliquée sur le fleuve », explique Jean-Louis Jérôme, directeur général du port autonome de Strasbourg. « Les bateaux ne peuvent charger qu’à 50% de leurs capacités et certains des plus gros bateaux ne peuvent plus passer à certains endroits. » Le port de Strasbourg est le deuxième port fluvial de France. Il traite 8 millions de tonnes de marchandises par an.
Cette situation « sérieuse » pourrait même devenir « catastrophique » si la pluie tarde et que l’hiver est froid. Le Rhin ne profite des fontes des neiges qu’au printemps. En attendant, la circulation sur le fleuve pourrait devenir très problématique, poussant les transporteurs à se rabattre vers le transport par train ou par camion.
La pluie n’est en tout cas pas annoncée dans l’immédiat. « Cette semaine reste désespérément anticyclonique », constate M. Vermot-Desroches.