Dans un contexte économique tendu, dans un contexte réglementaire et environnemental qui se durcit, une évolution climatique certaine, la production de maïs est parfois mise à mal. Les agriculteurs ont parfois du mal à s’adapter, à rechercher de nouveaux itinéraires, de nouvelles méthodes de production pour rester compétitif. Et pourtant, que cela soit en matière de génétique, en matière d’itinéraire technique, en matière d’intrants, en matière d’organisation du travail, les marges de progrès, du semis à la récolte, sont importantes.
En effet, la recherche variétale poursuit ses avancées ; les outils d’aides à la décision se multiplient ; les innovations technologiques sont là. Et pourtant, leur appropriation reste parfois perfectible.
Un exemple, le semis de maïs
Entre labour et semis direct, en passant par les techniques culturales simplifiées, le strip till, le zéro travail du sol, le semis dans le couvert, des formules mixtes de toutes les composantes, les itinéraires employés par les agriculteurs sont innombrables. Mais très peu s’attellent à une formule très simplifiée de semis, le fameux semis direct. Or, économiquement, c’est l’itinéraire le moins coûteux. Techniquement, grâce aux recherches menées par les institutions spécialisées mais aussi avec toutes les références capitalisées dans les groupes qui tentent l’expérience, la preuve est faite que la rentabilité économique (marge nette) est au rendez-vous.
Mais les freins sont nombreux. En premier lieu, la vue d’une parcelle bien semée à la sortie du champ, à laquelle s’attachent fortement encore bon nombre d’agriculteurs. Le lit de semence parfaitement préparé, pas un débris végétal en surface… Quelle différence, avec une graine posée au semoir direct dans un couvert de féverole de plus d’un mètre de haut ! « Si mon père voit cela, il va me prendre pour un fou… »
En second lieu, la difficulté technique : le semis direct nécessite de la technicité, de l’observation. C’est la finalité d’un travail de longue haleine sur une approche globale et transversale au niveau de l’exploitation tels que le travail sur l’implantation et la destruction de couverts végétaux, les rotations culturales, la maîtrise du tassement, etc. Bref, des approches parfois complexes qui peuvent freiner, avec des besoins en matériels spécifiques coûteux, surtout en approche individuelle.
Alors comment avancer ?
En matière d’innovation technique, le matériel adapté existe. Les semoirs de semis direct ont fait leur preuve. Les équipements complémentaires tels que guidage, coupure de tronçons automatique, sont maintenant accessibles. L’expertise technique, le conseil sont omniprésents par différents canaux : applications en ligne proposées par différents organismes, formations, conseil individualisé au champ. Il faut adopter ces nouvelles techniques pour avancer. Et là, on retrouve toute la force du groupe.
En effet, à plusieurs, on peut plus facilement se prêter au jeu de l’essai, de l’expérimentation… « Je fais du semis direct sur une de mes parcelles. Mes voisins et collègues de la cuma le font aussi. Nous ne sommes tout de même pas tous fous.» (…) « A plusieurs, on partage les expériences des uns et des autres. Chacun peut avoir sa parcelle expérimentale et en faire profiter ses collègues. »
Enfin, la cuma permet de mutualiser les prises de risques tant sur le volet investissement matériel, que sur le volet « perte de rendement ». En effet, changer d’itinéraire est souvent synonyme de multiplication des matériels, au moins dans la phase de transition (la charrue, l’outil dents courbes, le déchaumeurs à disque, le semoir à couvert végétaux, le semoir monograine classique, le semoir de semis direct…). Sur le groupe, cela passe mieux. Et le changement de pratique au niveau des exploitations des adhérents peut être progressif, sans prise de risque importante.
L’expérience de Guizerix
Thierry Ségouffin de la cuma de Guizerix dans les Hautes-Pyrénées en connaît long sur le sujet. Le groupe travaille des terres de Piémont, sur boulbènes peu profondes, limoneuses et battantes, avec des créneaux d’intervention très étroits. « Nous nous sommes tous installés dans les années 1990. Nous étions tous équipés individuellement pour un itinéraire classique avec labour. Il nous faillait 4 à 5 heures par jour pour semer le maïs après l’élevage et 15 jours chacun. Grace à la création du groupe tracteur, nous avons pu expérimenter dans la sérénité le passage au non labour et à ce jour, nous semons tout en non labour en 8 à 10 jours. »
Puis souhaitant aller plus loin dans la réflexion, ayant de solides habitudes de travail en commun, ils se sont lancés dès 2012 dans l’assolement en commun. Ils ont mis en place un îlot de maïs semences avec un véritable creuset d’innovation grâce à l’expérimentation collective. Chacun y contribue au quotidien par de l’échange de pratique, de la formation, sans prise de risque importante sur son exploitation.
L’exemple de Cauneille
Autre exemple à la cuma de Cauneille, qui propose à ce jour, toute la palette de matériels permettant d’expérimenter du labour au semis direct, et répondre aussi au choix respectable de chaque adhérent. Certains sont en non labour depuis 20 ans ; d’autres depuis un an ; d’autre sont encore au labour mais regardent de très près ce qui se passe chez les autres membres du groupe.
La cuma, c’est cela. C’est le respect du comportement, du choix de chacun. Collectivement, les changements sur les exploitations sont parfois plus longs, mais sûrement plus durables. Et le groupe qui expérimente est également fier de contribuer à l’évolution des itinéraires et des pratiques en réponse souvent aux attentes de la société en général (cf les propos de Christian Huygue dans l’encadré ci-dessous). Alors n’hésitez pas à vous organiser en groupe pour tirer parti de toutes ces nouvelles technologies, toutes ces innovations qui vous tendent les bras avec un gage de durabilité sur vos exploitations. Et rappelons-le, tout seul on va plus vite, à plusieurs, on va plus loin.
L’avis de Christian Huygue, directeur scientifique adjoint agriculture à l’Inra La résistance au changement D’une manière générale, et c’est particulièrement vrai en agriculture, 2,5% des gens ont un caractère d’innovateur ; 15% sont des « adoptants précoces » ; une bonne moitié des « adoptant tardifs » et environ 15% ne feront jamais rien de différent. Par ailleurs, plus l’innovation est différente de ce que les gens ont l’habitude de faire, plus elle sera lente à adopter. Par contre, le travail en groupe, la formation continue par l’usage, le conseil adapté sont des éléments déterminants pour aller vers le « plus d’innovation ». |
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