Ce salon marque l’avènement d’un tournant vers le végétal en matière alimentaire. Sur quoi planchent les chercheurs de l’INRA dans ce domaine?
Philippe Mauguin: Nous travaillons aussi bien en recherche fondamentale, qu’en accompagnant des startup ou des gros acteurs de l’alimentation, et nous avons beaucoup de recherches prometteuses à partager.
Nous allons notamment présenter des farines mixtes pour fabriquer des pâtes qui associent blé et légumineuses comme les pois, les lentilles et les fèves, et offrent des profils en acides aminés essentiels optimum, permettant aux gens qui mangent moins de viande d’équilibrer leur alimentation en protéines.
L’innovation vient du fait que nous proposons deux procédés de transformation et d’élaboration pour ces farines: soit classique, par mélange de deux types de farine, soit plus disruptif, par la valorisation dès le champ, d’un mélange de blé et de pois plantés ensemble au même moment dans le même champ. Les deux options sont possibles.
Nous présentons aussi des purées de fruit très originales avec des textures innovantes pour encourager à manger des fruits.
Proposez-vous des innovations dans le domaine des protéines animales, donc liées au secteur de l’élevage?
P.M.: Nous avons mis au point des procédés permettant d’associer le lait avec des légumineuses, ou des aliments fermentés à base de lait et de lupin. Tout ceci peut conduire à toute une gamme de produits intéressants sur le plan nutritif, allant d’ingrédients pour l’industrie agroalimentaire à des fondues, pâtes pressées, pâtes à tartiner. Dans un contexte où la production laitière mondiale continue d’augmenter, il faut trouver des débouchés nouveaux et originaux pour les produits laitiers.
Est-il possible de nourrir toujours plus de monde sur la planète tout en rendant les pratiques agricoles plus vertueuses et en luttant contre le réchauffement climatique?
P.M.: La montée en puissance des légumineuses dans l’alimentation me tient particulièrement à cœur. C’est une évidence, à la confluence des mouvements alimentaires et des enjeux écologiques pour la planète (les légumineuses apportent des protéines aux consommateurs qui ont tendance à manger moins de viande, tout en contribuant à absorber l’azote de l’air et stocker le carbone dans le sol, NDLR).
Jusqu’à ces dernières années, c’était encore un marché de niche, bio, végétarien ou vegan, mais là il y a une expansion qui va donner un levier de développement extraordinaire pour le développement de cultures dont on a besoin pour la transition agroécologique.
Mais on ne va pas se mettre à manger que des légumineuses. Il faut essayer de dessiner une vision globale et cohérente de l’avenir de l’agriculture au vu des besoins des populations et de ceux de la planète. Nous menons par exemple, beaucoup de recherches sur l’alimentation sur mesure en fonction des besoins spécifiques aux deux bouts de la chaîne de la vie, petite enfance et grande vieillesse.
Nos chercheurs ont montré que l’on pouvait commencer à introduire de petits morceaux de fruits ou de légumes plus tôt que ce qui était généralement conseillé, de manière à éviter les consommations déséquilibrées pendant l’enfance et l’adolescence, car les goûts et les dégoûts se forment au plus jeune âge.
Nous avons aussi des chercheurs qui travaillent sur le rapport entre alimentation et plaisir au grand âge, ou sur les menus dans les Ehpad où les besoins, en matière de goûts notamment, sont souvent mal pris en compte.