Gel tardif: un épisode 2022 moins violent que l’an dernier?

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Gel tardif: un épisode 2022 moins violent que l’an dernier?

L'épisode de gel tardif 2022 semble moins destructeur que celui de l'an dernier. (Crédit: Adobe Stock)

Comme en 2021 à la même époque, la France a connu ce week-end un épisode de gel tardif. La rédaction se mobilise pour dresser un tour d'horizon des impacts sur les cultures dans les différentes régions.

Comme l’an dernier avec l’épisode de gel tardif au printemps 2021, le thermomètre est à nouveau tombé nettement sous le zéro le week-end dernier après une semaine quasi-estivale. Le record ayant été pour la Marne avec -9,3°C relevé à Mourmelon, soit la nuit d’avril la plus froide depuis 1947 selon nos confrères du Monde. Toutefois, les impacts de cet épisode de gel tardif 2022 ne se font pas ressentir avec la même intensité dans toutes les régions. Tour d’horizon.

1 / Impacts du gel tardif 2022 sur les grandes cultures

Tout d’abord, dans le domaine des grandes cultures et plus particulièrement des betteraves, il semblerait que l’épisode 2022 soit moins violent que celui de l’an dernier. D’une manière générale en Ile-de-France, « il a fait moins froid que l’an dernier et la végétation était moins développée » présente Alexandre Blin (C-S2B). « Il va falloir attendre 2 à 3 jours pour se prononcer. En effet, cet épisode de gel tardif 2022 va avoir un impact mécanique par effet de cisaillement au niveau du sol. Mais l’impact semble limité en Ile-de-France. A confirmer dans les prochains jours. »

Par ailleurs, la C-S2B rappelle que la betterave peut tolérer le gel jusqu’à -5C selon son stade végétatif.

10 à 15% de betteraves gelées selon l’ITB

Même discours rassurant du côté de l’ITB. « Plus de peur que de mal » annonce Ghislain Malatesta (expert de l’ITB). « Le froid a été moins intense et la végétation moins développée que l’an dernier. En moyenne, il faut s’attendre à 10 à 15% de betteraves gelées dans les parcelles. A de rares exceptions, il n’y aura donc pas besoin de ressemer. L’Alsace et l’Aube, du fait de températures plus basses et de sols humides, pourraient être un peu plus touchées (effet mécanique), mais il est trop tôt pour le dire. »

2 / Impact du gel tardif 2022 dans les différents vignobles

Dans l’Hérault: ce n’est peut-être pas fini

Dans l’Hérault, « il a fait environ -2°C cette nuit dans les vignobles du bord de mer », qui avaient débourré un peu plus précocement que les autres, et « entre -4 et -6°C plus loin dans les terres », indique Raymond Llorens, viticulteur sur une trentaine d’hectares à Mas de Londres.

Illustrer le degré d'intensité du gel

Capture d’écran du résumé météo de la station Sencrop de Raymond Llorens, lors de l’épisode de gel du 3 au 4 avril 2022.

« Il faudra ouvrir les bourgeons en coton pour voir. Pour ceux en vert, on le verra dans la journée,  » précise-t-il.

« L’incidence est compliquée à déterminer aujourd’hui », poursuit-il, « même si elle semble moins importante que lors des épisodes de gel de 7 et 8 avril » de 2021.

Raymond Llorens ne baisse pas la garde pour autant, et alerte sur d’autres potentielles vagues de gel: « le risque n’est pas totalement écarté jusqu’au Saints-de-Glace, début mai. »

« D’ici là, la terre va se réchauffer, il y a de l’eau donc un cycle végétatif va recommencer. Il y a encore un gros risque de gel lors de la pleine lune de fin avril, d’autant plus que les montagnes sont saturées de neige: il y a encore de potentielles réserves de froid », souligne-t-il.

En Charentes, un vignoble préservé pour l’instant…

Didier Bureau, est le Président de la cuma Viti Cognac. Celle-ci mutualise au total un parc de 130 tours (fixes et mobiles) réparties à l’échelle des deux départements charentais. Les premières tours ont été installées fin 2019. Les dernières tours devraient arriver dans les prochains jours. Les dégâts du gel sur les vignes charentaises sont, pour l’instant, limités selon le Président. En effet, le stade végétatif des vignes en ce tout début d’avril n’était pas suffisamment avancé dans l’ensemble pour les exposer aux risques du gel. « Mais les viticulteurs restent sur le qui-vive jusqu’à la fin du mois », relate Didier Bureau. A noter: la cuma a réalisé le 11 mars, des essais de  l’équipement Thermoboost de RN7 Agri Services. C’est un matériel respectueux de l’environnement puisqu’il carbure aux pellets. Cela permet aux tours de souffler un air avec 2°C de plus.

Dans le Beaujolais: «on a encore tout le mois d’avril pour trembler»

De la neige vendredi, samedi et dimanche et des températures autour de -3°C la nuit dernière. « Il est encore un peu tôt pour observer les éventuels dégâts » résume Mathieu Subrin, viticulteur et président de la cuma Beaujolaise de Sarcey.

Par rapport à l’année dernière où les pertes observées dépassaient les 50%, «les conditions demeurent pour faire une bonne année.» Le développement de la végétation est en effet assez hétérogène. Des Chardonnay plus en avance que les Gamay. «Il y aura quand même certainement quelques bourgeons gelés.» Un épisode qui se termine «mais l’incertitude demeurera jusqu’à la fin du mois.»

Loir et Cher: -5°C dans la nuit du dimanche 3 au lundi 4 avril

Alain Chéry est viticulteur à Cour-Cheverny dans le Loir et Cher. Il est aussi Président de la cuma viti-vinicole de Cheverny Cour-Cheverny. « La nuit dernière, les températures sont descendues à -5°C chez moi. Je suis intervenu en disposant des bougies paraffine, en faisant brûler des vieilles bottes de foin récupérées chez un éleveur du coin et en déclenchant mes deux tours antigel (en propriété individuelle) ». Difficile pour l’instant de chiffrer précisément le montant réel des pertes. « C’est trop tôt » explique Alain. Heureusement, une majeure partie des vignes en appellation Touraine, correspondent à des cépages de type Sauvignon, ayant des murissements tardifs. Ce qui les met à l’abri, pour l’instant des dégâts du gel.

Le viticulteur avait pris soin préalablement de vérifier le bon état des ses installations. Il a souscrit un contrat d’entretien pour ses deux tours. Et grâce à un OAD couplé avec des stations météo, il suit précisément l’évolution des températures lors des périodes à risques. Depuis 2017 qu’elles sont en place, ces deux tours ont fonctionné 137 h. Elles tournent au gaz « un produit plus stable que le fuel et moins sujet au risque de vol » observe Alain. L’an passé, ses deux tours ont également été activées. Les installations antigel se développent de plus en plus dans la région qui a connu ces dernières années les ravages du gel sur plusieurs parcelles de vignes. A l’image des nombreuses cuma qui se sont constituées sur ce type d’activité.

Les grands crus protégés dans le Chablisien

« L’épisode de gel 2022 n’est pas comparable à celui de l’année dernière, il a été nettement moins sévère » explique Flora Chapotin (animatrice Cuma Bourgogne Franche-Comté dans l’Yonne). En outre, « les températures sont descendues jusqu’à -3°C dans les zones les plus exposées. Ailleurs, on a plutôt observé du -1 à -2°C. De plus, à Chablis, ils ont protégé les grands crus (il s’agissait des vignes les plus avancées) par le biais de l’aspersion, de bougies et de câbles chauffants. »

« Pour les autres parcelles, les bourgeons étant moins développées, la catastrophe devrait être évitée. Le vent du Nord aillant par ailleurs séché les premiers bourgeons sortis. »

3 / Impacts du gel tardif 2022 pour l’arboriculture

Dans son bulletin d’information du 4 avril, ITK annonçait des pertes pharamineuses dans l’arboriculture pour les exploitations n’ayant pas de moyens de lutte contre le gel.

Ainsi, les experts d’ITK ont établi la carte suivante. Attention, les estimations de perte concernent les variétés ayant débourrés.

gel tardif 2022

Estimations des pertes de production pour les fruits à noyau et le kiwi au 4 avril 2022. (Source: ITK)

Dans la Drôme, les abricotiers ont souffert

Une sixième année consécutive de gel dans la Drôme. «Nous avons allumé les bougies dans les abricotiers mais uniquement dans les vallons» indique Firmin Bompard, arboriculteur et président de la cuma la Sahunaise. Du gel qui dans la seconde quinzaine de mars avait déjà fortement touché les variétés précoces. Même si cet épisode semble moins sérieux que l’année dernière, « certains endroits enregistrent des pertes de 100%. »

une nuit de lutte contre le gel dans les vergers

Les bougies étaient de sortie la nuit dernière dans la Drôme.

Dans le Tarn et Garonne, plus d’arbo sans protection

« Il est devenu impossible de faire de l’arboriculture sans protection antigel et antigrêle, » résume Yvon Sarraute, président de cuma « arbo » de Meauzac Barry dans le Tarn et Garonne. « Il faut compter sur un aléa climatique de ce type environ une année sur deux », estime-t-il.

Lui-même et une partie des arboriculteurs de son secteur sont équipés de dispositifs d’aspersion, qui permettent à la fois une protection antigel et l’irrigation l’été.

Les surfaces non pourvues de ces dispositifs ont souffert d’un froid atteignant jusqu’à -5°C sur le secteur, affectant tous les vergers de fruits à noyaux (pêches, nectarines, prunes, abricots…)

L’aspersion a a priori permis de contenir les dégâts qu’auraient pu engendrer les -5°C atteints en début de semaine.

Attention toutefois à ne pas crier victoire trop vite, avertit Yvon Sarraute.  « Dans un premier temps il faut attendre 3 semaines pour voir, avec la remontée des températures et la remise en circulation de la sève, ce qui se passe. Et un autre épisode de froid est à prévoir à la fin du mois d’avril. »

« L’aspersion reste un dispositif efficace, mais il faut compter 40m3 d’eau par heure et par hectare », pose-t-il. Il estime le coût de l’équipement, qui se fait  lors de la plantation ou de la rénovation des vergers, à environ 10000€ par hectare, « ce qui peut encore varier en fonction de la distance au point d’eau et de la surface à protéger. »

« Dans notre secteurs, on voit des feux de paille ou des bougies à paraffine pour tenter de contrer le gel. Mais cela coûte une fortune. Il faut un nombre important de balles de paille et bougies, à ajuster en fonction de l’intensité du gel et à renouveler après chaque utilisation. Et on ne connaît pas vraiment l’efficacité de ces dispositifs, qui ne sont de toute façon pas suffisants en cas de gelées à -5°C comme nous avons eu ces dernières nuits. »

« Quand aux tours antigel, leur efficacité dépend du type de gel. En cas de masse d’air froid, ce qu’on appelle les « gelées noires », sans dispositifs de chauffage, leur efficacité n’est pas garantie. Et la surface éventuellement protégée dépend aussi de l’intensité du froid ».

4 / Vu sur les réseaux sociaux

A Chinon, Guillaume Delanoue a lancé l’aspersion.

Au Château Gaubert Saint Emilion Grand Cru, « L’aube est mortellement belle, pour nos futures récoltes, courage à tous »

Julien Merschiltz dans le chablis. « Que la nuit fut agitée. Hâte d’être le jour pour faire une bonne nuit ».


Les Vergers Ecoresponsables craignent pour les arbres.

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