Au sein du département des Hautes-Pyrénées, des cuma sont le théâtre d’expériences singulières qui vont au-delà du simple partage de matériels. Que ce soit par l’usage d’une technologie ou par une organisation particulière, ces services apportés aux adhérents ont une plus-value non négligeable. Encore faut-il s’en rendre compte !
Plus-value environnementale
Certains services ont un intérêt environnemental comme ce que va mettre en place la cuma de Luzerte à Tarasteix. Elle s’est doté d’un broyeur de branches avec l’objectif initial de nettoyer les bords de parcelles. Les adhérents souhaitent ne plus brûler les branches et faire des chantiers propres.
Mieux, le broyeur pourra permettre de s’essayer à de nouvelles pratiques à partir des plaquettes produites. La litière est une piste intéressante parallèlement à l’usage en chaudière. Avec un tarif d’usage autour de 150 €/an et par adhérent, le risque est minime.
Sans créer une nouvelle activité, la cuma de Nouste à Senac oriente son service d’épandage de lisier. La nouveauté n’est pas tant dans la tonne qui certes, monte en capacité (16000 litres) mais plus dans l’ajout d’un enfouisseur à pendillards qui répartit beaucoup mieux le lisier.
Bien sûr, un tel équipement engendre un surcoût. La compensation vient du volume de travail supplémentaire que le matériel va faire. L’objectif est de ne pas augmenter le tarif qui se situe à 1,7 €/m3 épandu. Il aura suffi d’un adhérent supplémentaire pour y arriver, avec la satisfaction de travailler plus efficacement.
Ailleurs, c’est la reconquête de parcelles difficiles qui mobilise la cuma d’Astugue autour d’un tracteur « montagne ». Les éleveurs en avaient assez de voir certaines parcelles se dégrader par manque d’entretien. Les tracteurs typés ‘montagne’ sont conçus pour le travail en devers.
Raccordé à un broyeur, celui de la cuma assure la pression nécessaire sur les friches pour maintenir des pâtures nourricières. L’accès à du matériel spécifique est souvent plus cher qu’un engin standard. C’est le cas ici où le tarif visé est fixé entre 20 et 25 €/ heure. A puissance égale, le tracteur est plus cher mais permet de gagner de la surface productive.
Pourquoi changer?
La technologie est pour certains collectifs le moyen de faire évoluer le service. La cuma du Plateau de Ger à Gardères a voulu garder l’attractivité du service de semis de printemps. L’activité est proposée depuis bien des années et satisfait les adhérents.
Pourquoi bouger alors ? L’évolution se justifie par une vision globale du système. D’une part les adhérents ont moins de temps disponible et de l’autre, le matériel exige de plus en plus de compétences pour être utilisé correctement et sans risques. La cuma s’était déjà tournée vers un chauffeur, Romain Frechou, qui est la garantie que les chantiers se passent bien.
Aujourd’hui, le collectif s’appuie sur les compétences de Romain pour simplifier le service tout en utilisant du matériel plus complexe. La simplification tient au remplacement de deux semoirs 6 rangs vers un seul à 8 rangs. La mobilisation de deux tracteurs demandait plus d’organisation.
Désormais, chaque adhérent assure l’approvisionnement du semoir pendant que le chauffeur sème. Le matériel est un semoir à distribution électrique 8 rangs, le tout mené avec un autoguidage RTK. Le chauffeur apprécie ces conditions de travail.
Avec ce gain de service, la cuma s’est dotée d’une bineuse 8 rangs pilotée dans les mêmes conditions de précision. La bineuse travaille 170 ha en moyenne au sein du groupe semis qui mobilise 310 ha. L’équation est équilibrée, le travail est plus rapide, plus efficace, à un tarif attractif. Et nouveaux adhérents viennent consolider le groupe.
Expérimenter des pratiques nouvelles
On s’aperçoit que les cuma sont les structures idéales où l’on peut expérimenter à moindre risque des pratiques nouvelles. Pour preuve : de nombreux investissements en déchaumeurs à disques indépendants appréciés pour les couverts végétaux et la gestion des adventices. Souvent, en plus de l’usage du matériel, les adhérents échangent sur leurs pratiques avec les succès et les échecs qui vont avec. Certains groupes cultivent cela à l’instar des cuma de Guizerix et Sentous.
Pour nombre de collectifs, l’enjeu est de trouver l’organisation idoine. Cette question est pourtant garante de la bonne ambiance de travail. Bien souvent, le fonctionnement satisfait suffisamment les membres pour qu’ils ne ressentent pas le besoin de le remettre en cause. Néanmoins, cela peut être utile de se rendre compte de ce qui fonctionne bien et pourquoi.
Car la recherche d’un service performant ne passe pas systématiquement par les nouvelles technologies et encore moins par le l’accroissement des puissances et des largeurs.
Des services pertinents, de la cohérence
Voici quelques exemples de cuma qui, comme le bourgeois gentilhomme faisant de la prose sans le savoir, mènent des stratégies très cohérentes ou proposent des services tout à fait pertinents.
Dans ce registre, citons la cuma des Bandouliers à Uglas qui propose son service épandage de fumier à la carte selon l’organisation des chantiers désirée. Suivant les affinités et la proximité des adhérents, les chantiers sont réalisés de différentes façons. Le chargement se fait avec un télescopique ou bien plusieurs chargeurs frontaux.
La constante est que les chantiers sont gérés collectivement. Ici, le gain n’est pas dans le tarif ni dans le matériel car il s’agit d’un épandeur classique à hérissons verticaux. Le groupe tire son avantage dans l’efficacité du travail. Les chantiers sont plus vite bouclés sur des courts créneaux de 2 heures généralement. Avec des débits de chantier de 60 à 80 m3 / heure, les tas de fumier sont vite étendus. Ces chantiers sont aussi l’occasion de manger ensemble.
Il arrive également qu’un collectif décide de privilégier la qualité du service par rapport au tarif. Ce point de vue est souvent justifié par des groupes en fenaison où la réactivité et la disponibilité du matériel prime sur le prix d’usage. C’est ce que défend la cuma des Deux Rives à Aubarède en proposant 2 round balers. Ces derniers pourraient concentrer l’activité sur une presse. Mais les responsables préfèrent garder du confort de travail tout en gardant un œil sur le tarif qui s’élève au maximum à 3,95 €/balle, liage compris.
Enfin, certaines cuma défendent une stratégie globale en proposant aux adhérents un parc matériel quasi complet. Dans ces groupes, on ne trouve pas forcement du matériel très complexe. Mais au contraire du matériel à usage fréquents comme les bennes, les bétaillères, les plateaux, la chaine classique de travail du sol ou de fenaison. Cette mutualisation généralisée laisse la possibilité à l’adhérent d’avoir la capacité d’investir chez lui dans des installations qui pourront lui apporter du confort de travail par exemple. Cette position est notamment défendue à la cuma de la Baïsolle à Houeydets où pour le prix d’une grosse annuité de tracteur neuf, presque tout le matériel nécessaire à l’élevage est disponible !
On le voit, bien des opportunités existent pour créer des collectifs ou relancer une dynamique. L’essentiel : prendre le temps d’échafauder les projets en soignant parfois plus le facteur humain que les aspects matériels.