C’est tout le paradoxe du vignoble de Gruissan : d’un côté, l’opération de financement participatif destiné à préserver ses surfaces est un succès phénoménal, avec 265 000 euros récoltés en un an (contre 70 000 euros espérés). De l’autre, aucun candidat ne s’est encore présenté avec l’idée de reprendre ce parcellaire. D’un côté des particuliers, qui vivent souvent loin, souhaitant retrouver un lien à la terre, éblouis par le paysage, et de l’autre de futurs installés qui préfèrent regarder vers la plaine, des parcellaires moins morcelés, irrigables et plus rentables. Jean-Michel Aribaud, président de la Cave coopérative de Gruissan et adhérent de la cuma, explique : « Dans les années 90, la commune a souhaité créer des ‘coupures vertes’ pour constituer des pare-feu. Des viticulteurs se sont positionnés pour planter et entretenir ces espaces. Sur la deuxième tranche de 10 ha, il y a eu des désistements pour 4 ou 5 ha. La Cave a proposé de créer une société pour reprendre ces espaces et, en parallèle, exploiter les parcelles abandonnées, qui peuvent constituer un souci sanitaire et de sécurité. Une bonne idée, car ces dernières sont déjà en production », précise-t-il.
Complément pour la cuma
Comme de nombreuses autres structures, la Cave Coop de Gruissan doit faire face au vieillissement de ses adhérents et à une potentielle baisse de ses hectolitres. « Les banques ne nous ont pas suivi précise le directeur, Frédéric Vrinat. Nous nous sommes donc tournés vers le financement participatif, et avons créé une structure légère, avec de la prestation de service, car nous ne savions pas comment évoluerait le projet. Pour optimiser le coût du travail, Alta Vinha a adhéré à la cuma, qui fonctionne très bien. » Un complément d’activité bienvenu pour cette cuma qui compte 7 adhérents actifs. Elle a créé en janvier 2015 un groupement d’employeurs, renouvelé sa machine à vendanger, et investi dans un nouveau tracteur vigneron.
Le projet Alta Vinha, qui permet de regrouper ces parcellaires pour les rendre attractifs, a permis la constitution d’un premier îlot de 8 ha, une vitrine sur laquelle tous les partenaires de l’opération ont joué le jeu, et d’un autre début d’îlot de 2,8 ha. Ce « démonstrateur » de 8 ha a été entièrement déboisé et replanté. Bien sûr, à terme, l’objectif est de faciliter une ou plusieurs installations. Frédéric Vrinat travaille sur un autre projet qui pourra permettre d’irriguer le vignoble dans le périmètre de la Cave. « Dans un environnement touristique, il faut que nous nous dotions d’un accès à l’eau qui ne pourra pas être remis en cause : le recyclage des eaux de la station d’épuration de Narbonne. » Un projet sur lequel la Cave s’est engagée avec le Grand Narbonne, mais aussi deux unités de l’Inra (Pech Rouge et le Laboratoire de biotechnologie environnementale de Narbonne), Veolia et la société Aquadoc. Pour le moment, les expérimentations sont en cours pour garantir l’innocuité de la réutilisation de l’eau sur l’environnement, la plante, le vin, et le consommateur.