Il y a beaucoup de tensions sur le terrain» a déclaré jeudi à l’AFP une des responsables du syndicat interprofessionnel du foie gras, le Cifog, avant la rencontre au ministère dans l’après-midi.
«Nous attendons des clarifications sur le montant et les modalités d’indemnisation des éleveurs. Tous avaient lourdement investi pour respecter de nouvelles règles de biosécurité après l’épisode de grippe aviaire de l’an dernier, et du fait du nouveau virus H5N8 de cette année, très agressif, leurs élevages se retrouvent à nouveau à vide, c’est dramatique», a-t-elle dit.
D’autant que 30% des indemnisations qui avaient été accordées l’an passé, n’ont pas encore été versées. Une manifestation de producteurs est prévue dans l’après-midi à Mont-de-Marsan. Les éleveurs estiment à 120 millions d’euros les pertes pour l’ensemble de la filière du Sud-Ouest. Avec 3 000 éleveurs et 2 000 gaveurs, elle représente à elle seule 71% de la production française de foie gras.
L’épizootie d’influenza aviaire H5N8, véhiculée par les oiseaux migrateurs, s’est répandue dans les élevages de six départements duSud-Ouest depuis fin novembre. Jeudi, 145 foyers étaient comptabilisés par le ministère, dont 125 dans les Landes, le Gers, les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques. Ces quatre départements font l’objet depuis début janvier d’un plan d’abattage massif et préventif touchant plus d’un million de canards et oies dans 232 communes. Le gouvernement a réquisitionné quatre abattoirs de la région qui fonctionnent à plein régime. Les oiseaux morts sont ensuite transformés en farine utilisée comme combustible dans l’industrie de la cimenterie.
« Tous victimes»
L’abattage préventif, une première en France dans ces proportions, a pour but de « casser le cycle du virus »: sans oiseaux dans son entourage pour se reproduire, il ne pourra plus se multiplier. Le système n’a toutefois pas montré son efficacité. Après analyse, le virus a été détecté sur des canards en apparence sains, tués de façon préventive, ce qui a conduit les autorités sanitaires à étendre à deux reprises le périmètre des communes concernées par les euthanaises collectives.
L’an dernier, seuls les élevages touchés par l’influenza avaient subi des abattages. Les élevages épargnés par le virus avaient pu faire grandir leurs canards jusqu’à terme, et donc les commercialiser, avant de procéder à un vide sanitaire total de deux semaines. Mais le virus H5N1 était beaucoup moins virulent que le H5N8 qui a entraîné cette année des taux de mortalité élevés dans les élevages touchés. Les éleveurs essaient de se serrer les coudes et de ne pas désigner de coupables pour cette hécatombe. « On est tous victimes » a dit Christophe Barailh, qui préside le Cifog, mercredi.
Au delà des palmipèdes, poulets et pintades, nombreux dans la région, subissent aussi des restrictions. Six couvoirs, entreprises spécialisées en haut de la chaîne qui produisent des canetons et des poussins, « sont à l’arrêt complet » dans leSud-Ouest, selon le Cifog. Quantité d’exploitations de la Chalosse, terroir des Landes où sont élevés en plein air des milliers de canards, mais aussi des volailles label rouge sous les pins, sont préoccupées par la propagation du virus. Après les investissements consentis pour améliorer la biosécurité l’an passé, les professionnels ont édicté de nouvelles règles d’hygiène pour stopper la propagation des virus. Ils devraient les présenter au ministère jeudi après-midi.
Elles s’appliquent à tous les maillons de la chaîne et non plus aux seuls éleveurs et transporteurs. Ainsi, les « attrapeurs », une vingtaine de prestataires de services spécialisées, chargés de pousser les canards à différents stades d’élevage dans les cages de transport, devront aussi suivre des protocoles d’hygiène spécialisés. Ils ont été réunis à Auch et Mont-de-Marsan par l’interprofession.
Dans le transport, les protocoles de nettoyage sont resserrés. Ainsi les cages devront être être affectées à un usage précis, soit au transport des volailles entre la zone d’élevage et la zone d’engraissage, soit à celui allant de l’engraisseur à l’abattoir.
Paris, 19 jan 2017 (AFP)