En ligne de mire de cette course sanitaire contre la montre: la protection de la Chalosse, un terroir de Gascogne entre Adour et Béarn, dans les Landes, où la densité de palmipèdes est la plus forte de France, avec quelque 2 millions de têtes. De 150 communes soumises aux abattages préventifs de canards et oies depuis le 4 janvier, le ministère de l’Agriculture a élargi deux fois la zone de sécurité. A partir de mardi, 232 communes dans quatre départements sont ainsi soumises à des euthanasies de masse sur les palmipèdes élevés en plein air : Gers (105 communes), Landes (97 communes), Hautes-Pyrénées (15 communes), et Pyrénées-Atlantiques (15 communes).
« Nous avons considéré qu’il fallait étendre la zone après avoir trouvé, dans les Landes notamment, des canards positifs, montrant que le virus avait déjà diffusé au-delà de la zone de protection initiale », a déclaré à l’AFP un haut responsable du ministère de l’Agriculture qui coordonne le suivi des opérations. Après chaque abattage préventif, des prélèvements systématiques sont réalisés. « Sur les lots positifs, on était en phase d’incubation, les canards ne présentaient aucun symptôme extérieur, mais le virus a bien été détecté sur eux lors de l’analyse », a précisé cette source. Depuis le 4 janvier, quelque « 580.000 palmipèdes ont été abattus » préventivement, auxquels il faut ajouter les milliers de canards passés sous le couperet dans les 136 foyers où le virus a été détecté à ce jour, a ajouté le responsable. D’ici la fin de la semaine, « nous prévoyons d’atteindre un ordre de grandeur de 800.000 oiseaux abattus », a-t-il ajouté.
Rapport au procureur d’Albi
Que faire de tous ces canards euthanasiés? Une stratégie déjà utilisée lors de la maladie dite de la vache folle (ESB), au début des années 90, a été remise en vigueur: la plupart des oiseaux, impropres à la consommation, sont transformés en farine pour être utilisés comme combustibles dans les cimenteries. Au ministère de l’Agriculture, on regrette que l’intervention humaine soit « souvent un vecteur majeur de propagation de la maladie », via le transport, ou parfois juste un contact: « Il suffit qu’un transporteur n’ait pas correctement nettoyé les cages de transport destinées à convoyer les canards d’un site d’élevage à un autre, ou que des salles de gavage n’aient pas été suffisamment désinfectées », explique-t-on. Pour tenter d’éclaircir les responsabilités dans la propagation du virus, la Brigade nationale d’enquête vétérinaire et phytosanitaire a été mobilisée. « Ils ont fait un rapport qui a été remis au procureur d’Albi », a-t-on indiqué au ministère.
Du côté des éleveurs, c’est la consternation puisque la région a déjà subi une épidémie l’an passé, avec un autre virus. Le Modef (Mouvement de défense des exploitants familiaux) des Landes, un syndicat de petits éleveurs-gaveurs, a exigé « de véritables garanties en matière d’indemnisation » et critiqué le système de production de masse du foie gras dans la région. Une réunion est prévue au ministère jeudi au sujet de l’indemnisation. Sur le front de la lutte sanitaire contre le virus, l’Anses (Agence nationale sécurité sanitaire alimentaire nationale) a été consultée pour savoir comment faire évoluer la stratégie. « La densité de palmipèdes en Chalosse est la plus élevée de France, on estime à 2 millions leur nombre, et avec des épidémiologistes, nous essayons de mettre en place la stratégie la plus adaptée », indique le ministère. La lutte contre le H5N8 est d’autant plus ardue que le virus est arrivé avec les oiseaux migrateurs, et que les élevages de canards de cette région comportent de vastes étendues à l’air libre. Les gallinacées (poules, dindes…), sont plus confinés dans des bâtiments, et moins exposés à l’hécatombe.
Paris, 17 jan 2017 (AFP).