Gouverner, « c’est avoir le pouvoir sur sa vie, son entreprise, son développement, voire son environnement. » Christine Lairy, présidente du Geda35, pose le décor. «Les groupes sont un moteur pertinent du développement agricole.» Les témoins invités la complètent: «L’individualisme ne permet pas de peser.» Christian Le Nan est président d’une nouvelle organisation de producteurs laitiers. Même dans le cas de sa laiterie (Roland-R&R ice cream, près de Landerneau) où les fournisseurs sont moins d’une centaine, il fait ce même constat.
Exemple breton, contre-exemple laitier
Le président du Cérafel, Joseph Rousseau, apporte son expérience de légumier breton : «Nos aînés ont vu clair en créant Prince de Bretagne. La production de légumes est largement exportatrice en Bretagne. En s’unissant, les producteurs rendent possibles un marché et une activité locale. » C’est pour que ça fonctionne qu’il s’implique, reconnaissant que «quand on naît dans la zone légumière, on est d’emblée investi dans les organisations collectives» qui œuvrent pour la R&D, le développement technique et variétal, la gestion des métiers… et donc, la commercialisation. Le discours du trégorrois tranche avec celui de José Jaglin (JA 22) qui note que « les éleveurs ont trop disparu de la gouvernance de leur environnement.» Au-delà de leur recul dans les représentations municipales, il cite l’histoire récente du lait, dans laquelle les organisations de producteurs sont nées après que la contractualisation ait été créée par les pouvoirs publics.
Un besoin de formation
Que ce soit pour reprendre le flambeau de structure fonctionnant déjà bien ou pour construire des réponses à de nouveaux besoins, comme l’ont fait les créateurs de Biolait, l’assemblée semble unanime sur la nécessité de s’investir, y compris pour les plus jeunes. Stéphane Nogues, président de la fdcuma Ille Armor, apporte un éclairage sur le comment ça marche.
«La gouvernance a évolué. L’époque du président qui gère tout de A à Z est révolue.» Pour autant, l’investissement et les compétences à développer restent bien réels. «On crée moins de cuma, mais le chiffre d’affaires continue d’augmenter. Nous devons nous organiser à des échelles plus grandes tout en restant compatibles avec le besoin d’avoir le matériel à portée de main.»
Joseph Rousseau insiste : « Ce genre de responsabilité est un devoir et une charge. » « Alors que nous avons de moins en moins de temps sur nos fermes…», reprend Stéphane Nogues. Il poursuit sur un autre ton: «… Même si la cuma m’en fait gagner» et souligne néanmoins: «Le travail est fait par des salariés qui le font mieux que moi.» Et s’il ressent moins le besoin d’être formé sur le pilotage d’un matériel de plus en plus pointu, l’agriculteur en cuma regrette «que dans les formations agricoles, cette notion de la gouvernance de collectifs ne soit pas abordée.»