Goutte-à-goutte enterré : est-ce que ça marche et pour quel prix ?

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Goutte-à-goutte enterré : est-ce que ça marche et pour quel prix ?

Michel Rozand utilise du goutte à goutte enterré depuis 10 ans sur une surface de 11 ha principalement cultivée en maïs.

Installé depuis plusieurs décennies dans des pays comme les Etats Unis ou Israël, le goutte-à-goutte enterré en grandes cultures est encore peu développé en France. Rencontre dans la Drôme avec deux agriculteurs qui ont installé cette technique depuis plusieurs années.

Le goutte-à-goutte enterré est présent à Romans-sur-Isère sur l’exploitation de Michel Rozand depuis plus de 10 ans. C’est surtout le côté pratique qui a séduit l’agriculteur. « Sur une parcelle avec un pivot, 2 ha dans un angle devaient être irrigués avec de la couverture intégrale. Cela demandait du temps pour l’installation et la désinstallation de tout l’équipement. Le goutte-à-goutte enterré, une fois installé, on y touche plus. »

Un coût d’installation de 6 000 €/ha

Pour l’installation, le travail est conséquent et les coûts non négligeables. « Il faut compter 3 000 €/ha juste pour les fournitures, et la même somme si on fait intervenir une entreprise pour réaliser les travaux. »

Installation goutte à goutte enterré

Chaque parcelle reçoit une conduite primaire raccordée aux lignes de goutte-à-goutte. On installe une seconde conduite à l’autre bout pour assurer l’équilibrage

Pour son installation sur 2 ha, Michel Rozand a effectué lui-même les différents travaux de terrassement et de raccordement, pour un coût total estimé autour de 4 500 €/ha. On installe les lignes de goutte-à-goutte à 1,20 m de distance et à une profondeur d’environ 45 cm. On installe les goutteurs spécifiques tous les 50 cm, et chaque goutteur a un débit de 0,6 l/h. Le fournisseur a recommandé une distance de 1,20 mètre entre les gaines.

« Cela dépend de la nature du sol et de la capacité de l’eau à remonter par capillarité. Pour nos sols, cet écartement est suffisant pour du maïs » indique l’agriculteur. En revanche, le conseil est de ne pas négliger la filtration. « Nous sommes sur des forages et des réseaux d’irrigation avec des eaux non chargées en sédiment. Des filtres à tamis sont suffisants. » En revanche, avec des eaux pompées en rivières, l’installation de filtres à sable en cascade est recommandée.

Travail du sol : se passer du sous-solage

Mise en place gaines

La coopérative Valsoleil met à disposition une sous-soleuse équipée pour enfouir les gaines à 40-45 cm de profondeur. Il faut travailler le sol au préalable pour assurer une profondeur régulière.

Concernant le travail du sol, le sous-solage est banni pour éviter de couper les gaines. Aujourd’hui, cinq parcelles, couvrant 11 ha, sont installées. « Pour le reste, on procède de la même manière », indique l’agriculteur.

Le labour est toujours pratiqué, même si quelques problèmes sont apparus sur la première parcelle. « Les gaines n’étaient pas toujours enterrées régulièrement et ont été coupées par le labour. Ce sont des erreurs de mise en place qui n’ont pas été reproduites. Mais il a fallu creuser pour réparer quelques fuites. »

Conduite primaire pour goutte à goutte

Les gaines de goutte-à-goutte se raccordent aux deux conduites primaires à l’aide de colliers de prise en charge. Il faut réaliser cette étape avec soin, car les raccordements risquent de fuir

Pour Michel Rozand, le principal danger est à la récolte. « Durand cette période, nous avons parfois des épisodes pluvieux, alors on patiente pour éviter au maximum de marquer le sol. Mais nous avons des sols assez drainants, ce qui est un atout. En revanche, je déconseille d’enterrer du goutte-à-goutte dans des parcelles avec des mouillères. Le passage des engins pourrait tasser le sol en profondeur et écraser les gaines. »

filtration eau

Un système de filtration est obligatoire. Pour les eaux peu chargées en sédiments, un filtre à tamis est en général suffisant avec un nettoyage hebdomadaire.

Station de filtration avec filtres à sable

On place généralement un système de filtration avec filtres à sable et rétro lavage automatique en amont, lors de pompages dans des eaux chargées. Des filtres à tamis suivent, garantissant le bon fonctionnement des goutteurs, malgré leur coût plus élevé.

Une estimation de 30 % d’économie d’eau

Avec le goutte-à-goutte, l’irrigation est différente. « Quand, avec les pivots, je mets une dose de 35 mm, avec le goutte-à-goutte, je fractionne et j’applique deux doses de 12 mm, ce qui me donne une économie d’eau d’environ 30 %. Cette économie est permise par l’absence d’évaporation due au soleil ou au vent. »

L’agriculteur remarque aussi un comportement différent de la culture. « Sur une parcelle avec les deux types d’irrigation, le maïs en goutte-à-goutte est souvent plus avancé en stade que celui implanté sous le pivot. Pour moi, l’explication est que l’irrigation par aspersion entraîne une baisse de température dans l’environnement de la culture et un stress sur la plante, ce qui n’est pas le cas avec le goutte-à-goutte. »

Le circuit de goutte à goutte enterré doit être régulièrement purgé

Sur la seconde conduite primaire, ils installent une ou plusieurs purges. Elles sont à ouvrir au moins une fois par semaine durant la période d’irrigation. Elles permettent de chasser l’air piégé dans les conduites et d’évacuer les éventuelles boues qui pourraient s’accumuler et nuire au bon fonctionnement des goutteurs.

Du goutte-à-goutte à la place des enrouleurs

À Granges les Beaumont, toujours dans la Drôme, le gaec Genton a aussi sauté le pas du goutte-à-goutte enterré. Habituellement, l’irrigation du maïs s’effectue avec des enrouleurs ou de la couverture intégrale. Désormais, on équipe certaines parcelles en goutte-à-goutte pour remplacer ces deux systèmes.

Le goutte à goutte enterré en remplacement de l'enrouleur.

En gaec avec son père, Pierre Genton, à droite, a installé sa première parcelle en goutte à goutte enterré en remplacement de l’enrouleur dans des parcelles biscornues.

« Les avantages : pas de déplacement, pas d’eau sur les routes et aucun problème les jours de vent », résume Pierre Genton, associé du gaec. Là aussi, des économies d’eau sont visibles. « Pour le maïs, avec le goutte-à-goutte, la dose est de 4 mm/jour pour conserver un sol frais. Avec un enrouleur, c’est 40 mm une fois par semaine. On économise donc 30 % d’eau. » Moins d’énergie aussi, « car la pression pour le goutte-à-goutte est de seulement 2 bars contre 8 pour l’enrouleur, mais l’économie n’est pas quantifiée. »

La fertirrigation a aussi été testée durant une longue période sèche peu favorable à un épandage d’engrais classique. « Nous ne sommes pas bien équipés et cela demande beaucoup de temps, mais cela fonctionne. C’était juste pour essayer et nous ne prévoyons pas de généraliser la technique. »

Goutte-à-goutte enterré : garanti 20 ans, et après ?

Pour les deux agriculteurs, le goutte-à-goutte enterré est une bonne solution, qui présente certains avantages.

En revanche, les fabricants garantissent généralement les gaines enterrées pour une utilisation de 20 ans. Il paraît difficilement envisageable de les retirer du sol après cette période. La seule solution semblerait d’abandonner les vieilles gaines dans le sol et de les remplacer par des nouvelles. Une complication qui gomme un peu les avantages de la technique.

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