« L’établissement d’un lien de causalité entre la survenue d’une pathologie et l’exposition aux produits phytopharmaceutiques est délicat », note la mission parlementaire, qui souhaite « disposer de données documentées et notamment d’études épidémiologiques ». A cet effet, elle souhaite « renforcer les dispositifs de surveillance écotoxicologique afin de disposer de données plus complètes et suivies des différents milieux ainsi que des espèces à surveiller en priorité ».
Elle souhaite également « mettre en place un dispositif national de surveillance des pesticides dans l’air et fixer un seuil de détection des produits phytopharmaceutiques ». ATMO France, qui fédère les associations de surveillance de la qualité de l’air, avait déjà annoncé fin novembre une campagne de mesure des pesticides dans l’air en 2018.
La mission note toutefois dans son rapport que « plusieurs études récentes montrent, sans doute possible, les dégâts » occasionnés par une « large utilisation » des pesticides, évoquant la disparition d’une large part des insectes, oiseaux et autres pollinisateurs. Elle insiste par conséquent sur « la nécessité de réduire drastiquement l’usage des pesticides pour tendre aussi rapidement que possible vers leur abandon ».
Mais elle temporise aussitôt, écrivant que « le processus prendra du temps ». Ainsi, sur l’exemple emblématique du glyphosate, herbicide controversé, les rapporteurs jugent « nécessaire d’accélérer les travaux de recherche et de développement pour trouver des alternatives crédibles », estimant implicitement qu’il n’y en a pas.
Le rapport suggère « d’interdire, dans l’immédiat, l’utilisation du glyphosate dans sa fonction dessiccative au niveau national », soit l’usage sur les plantes pour les déshydrater et faciliter leur récolte.
Interdiction limitée du glyphosate : les ONG dénoncent un « retropédalage »
Mais, à en croire les producteurs de blé, cette utilisation n’a presque jamais cours sur les céréales de l’Hexagone et une telle interdiction serait donc sans effet. « Nous, on ne l’emploie qu’après moisson sur les champs », explique à l’AFP Philippe Pinta, président de l’AGPB (producteurs de blé). Il explique que « c’est le soleil qui fait le boulot » pour déshydrater la plante, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays comme le Canada.
« L’usage dessiccant est déjà interdit, c’est vraiment de la poudre aux yeux! », a réagi Carmen Etcheverry, chargée agriculture pour l’ONG FNE (France Nature Environnement), qui a également dénoncé un « retropédalage » sur le glyphosate. « On a l’impression qu’ils ont acté les effets inacceptables (des phytosanitaires), ils reconnaissent une dangerosité mais ça se gâte dans les moyens mis en oeuvre, qui ne sont pas à la hauteur voire induisent des reculs », a déclaré à l’AFP François Veillerette, directeur de Générations Futures.
A l’inverse, Eric Thirouin, secrétaire général adjoint à la FNSEA, s’est réjoui de la teneur de ce rapport qui tend à « trouver des solutions plutôt que des interdictions ». La députée socialiste et ancienne ministre de l’Ecologie Delphine Batho avait annoncé jeudi sa démission de la vice-présidence « parce que le projet de rapport ne prône pas la sortie du glyphosate ni même son interdiction dans trois ans », contrairement à ce que promettait l’exécutif il y a quelques mois à peine.
Les parlementaires proposent également la création d’un fonds d’indemnisation des victimes des produits phytosanitaires, objet d’une proposition de loi PS adoptée début février au Sénat contre l’avis du gouvernement. Les auteurs du rapport ne disent toutefois pas comment ce fonds sera financé.