Après la décision de l’Union européenne en novembre de renouveler la licence de l’herbicide pour cinq ans, Emmanuel Macron avait promis que la substance du glyphosate, principe actif du Roundup de Monsanto, serait interdite en France « dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans trois ans ». Mais dans le projet de loi du ministre de l’Agriculture Stéphane Travert, examiné en première lecture au Palais Bourbon, point d’article sur le glyphosate, jugé cancérogène probable par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), mais « probablement non cancérogène » par l’Agence européenne pour la sécurité des aliments (Efsa).
Y figurent en revanche des mesures pour réduire les pesticides, auxquelles les députés ont donné leur feu vert. Ceux-ci ont aussi approuvé une extension du champ de l’interdiction des néonicotinoïdes, insecticides « tueurs d’abeilles ».
Interrogé en marge d’une visite en Corse, le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot a reconnu être « déçu », estimant qu’il aurait été « plus cohérent » d’inscrire l’objectif de sortie du glyphosate en 2021 dans la loi. « Ce qui compte pour moi (…), c’est que cet objectif ne soit pas remis en cause et pour l’instant je ne l’ai vu remis en cause ni par le Premier ministre, ni par le président, ni même par Stéphane Travert », le ministre de l’Agriculture, a-t-il toutefois assuré ensuite.
« Expertiser les alternatives »
Dès mardi matin, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux le promettait sur Franceinfo : la sortie du glyphosate d’ici 2021 est « un engagement clair » d’Emmanuel Macron et « ce sera fait en partenariat avec les industriels », même si ce n’est pas « inscrit dans la loi ». Le chef de l’État « a fixé un objectif ambitieux et pragmatique » et « nous mettons toutes les chances de notre côté » en poursuivant les recherches sur les alternatives, a justifié M. Travert dans l’hémicycle. Sur fond de « controverse scientifique sur sa dangerosité », le ministre a estimé nécessaire d' »approfondir les connaissances » en vue du prochain débat européen.
Depuis la Corse, Nicolas Hulot a annoncé le lancement d’un « plan d’action pour expertiser toutes les alternatives qui existent au glyphosate », qu’il compte « confronter avec les partenaires et notamment la FNSEA ». « Et puis en fonction, si on va vers cet objectif, eh bien, très bien! Si on s’aperçoit qu’on est très loin de réaliser cet objectif, il sera toujours temps de revenir à la loi », a-t-il fait valoir.
A l’Assemblée, des amendements, notamment de la commission du Développement durable de l’Assemblée et de l’ex-ministre PS Delphine Batho, qui posaient un terme en 2021, ont été massivement rejetés. Même sort pour un amendement prévoyant des dérogations possibles jusqu’en 2023, repoussé par 63 voix contre 20.
Cette proposition était portée par Matthieu Orphelin (LREM), proche du ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, et cosignée par une cinquantaine de membres du groupe majoritaire. Un amendement auquel le ministre s’était dit « favorable », mi-mai dans une interview. En février, Nicolas Hulot s’était dit prêt à envisager des « exceptions » pour les agriculteurs qui ne seraient pas « prêts en trois ans ».
« Pas à la hauteur »
L’ex-secrétaire d’État à la Biodiversité Barbara Pompili (LREM), cosignataire d’un des amendements, a dit lundi soir sa « peur » de ne pas arriver à « tenir » la promesse présidentielle « dans trois ans ». L’Insoumis Loïc Prud’homme a jugé le sujet « emblématique de ce qu’est le renoncement du gouvernement sur le modèle agricole ». A l’inverse, droite et centre se sont opposés à ces amendements pour ne pas « pénaliser les agriculteurs » (LR).
Espérant que les députés n’alourdissent « pas trop la barque des agriculteurs », la présidente du puissant syndicat agricole FNSEA, Christiane Lambert, avait plus tôt rappelé à l’AFP que « la profession s’est engagée à réduire l’usage et l’impact des pesticides avec 40 organisations et 4 ministères, via un contrat de solutions« .
De son côté, la Confédération paysanne avait réitéré sa demande « d’interdiction du glyphosate dans 3 ans ». Pour la Fondation pour la nature et l’homme, c’est « non-assistance à personnes en danger ». « Nos députés ne sont pas à la hauteur de l’enjeu », a réagi la Fédération des parcs naturels régionaux. « Agrochimie et lobbies de la malbouffe ont encore de beaux jours devant eux ! », s’est insurgée Karine Jacquemart, directrice de Foodwatch.