Alors qu’à ce stade, habituellement, « on a fait une bonne partie des miels, autour de 40, 50%, là, on ne les a pas », se désole mardi Henri Clément, porte-parole et secrétaire-général du syndicat majoritaire, l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF).
« Les abeilles ne récoltent rien ! Dans les ruches, il n’y a pas à manger, les apiculteurs sont obligés de les nourrir avec du sirop car elles risquent de mourir de faim », déplore le syndicat agricole Modef (Mouvement de défense des exploitants familiaux), qui a lancé l’alerte dans un communiqué.
Les causes de ce désastre sont multiples, selon le syndicat : « Un hiver très doux a facilité une bonne reprise de ponte, les colonies très populeuses se sont trouvées sans fleurs, ni miellée (nectar butiné) et se sont effondrées en peu de temps. Ce nouveau coup dur est d’autant plus critique pour les apiculteurs qu’il intervient après plusieurs saisons difficiles ».
« On a des conditions météo qui sont catastrophiques », renchérit M. Clément. « Ca fait quelques temps qu’on s’alarme du bouleversement climatique qui a un gros impact sur les productions. Pour l’instant, il ne s’est quasiment pas fait de miel, à part en Bretagne, où ils ont tiré un peu leur épingle du jeu ».
« Les acacias dans beaucoup de régions ont gelé. Il a fait un printemps pourri, on a été obligé de nourrir les ruches, plutôt que de récolter du miel. On attend de voir un peu comment la saison peut évoluer, parce que ça peut se redresser, mais la canicule qui s’annonce a l’air de vouloir compromettre véritablement les récoltes », s’inquiète Henri Clément.
Le pourtour méditerranéen menacé
« Jusqu’à présent, on n’a pas fait un gramme de miel, il n’y a pas eu de miellée de printemps, surtout dû au mauvais temps », témoigne pour l’AFP Yvan Gouttequillet, apiculteur installé à Saint-Ours-les-Roches (Puy-de-Dôme).
« On espérait beaucoup sur cette année, puisqu’on avait des ruches en quantité. Et puis le temps n’a pas permis du tout aux abeilles de travailler, à un point – ça fait 40 ans que je fais ce métier – que je ne n’avais jamais vu », se lamente M. Gouttequillet.
Surtout, le problème semble loin d’être circonscrit à l’Hexagone: « Ce n’est pas propre à la France. J’ai reçu un message de mon collègue italien, qui me dit n’avoir, en 43 ans d’apiculture, jamais connu un tel désastre », assure M. Clément.
« Depuis une bonne quinzaine d’années, le pourtour méditerranéen en particulier souffre de ce bouleversement climatique, on a de plus en plus de périodes de vent du nord, de sécheresse, de canicule. Les miellées sont de plus en plus capricieuses, de plus en plus courtes », ajoute M. Clément.
Et la canicule qui vient de s’abattre pourrait être un nouveau coup porté à la production des essaims français.
« Là, on va avoir le châtaignier, si c’est 38, 39 degrés pendant 3 jours, (ces miellées) vont être cramées », craint M. Clément.
La France, qui consomme environ 40.000 tonnes de miel, est déjà très loin d’être auto-suffisante, produisant, au mieux, comme l’an dernier, autour de 18.000 à 20.000 tonnes, rappelle-t-il.
« Les mauvaises années, on faisait 10.000 tonnes, mais si ça se poursuit comme ça, je pense qu’on sera largement en-dessous cette année », indique-t-il, rappelant que les apiculteurs sont déjà aux prises avec la concurrence de miels à bas prix en provenance de Chine, souvent épinglés pour des fraudes comme l’ajout de sirop de sucres.
Seul espoir, pour certaines régions, comme l’Auvergne où travaille M. Gouttequillet, une miellée de sapins, qui prolongerait la récolte d’un mois, jusqu’à la mi-août: « Ca sauverait un peu les meubles », espère-t-il.