Près d’un millier de manifestants s’étaient réunis près des quais de la Garonne, aux abords de la Cité du vin, mais n’ont pu faire entendre leurs voix au président, maintenus par un service d’ordre à quelque 600 mètres de la cérémonie. La CGT a alors annoncé une action-surprise, une coupure d’alimentation électrique dans le quartier, réalisée par des syndiqués du secteur de l’énergie, pour perturber la cérémonie des discours protocolaires. « Le président est dans le noir ! », s’est exclamée la N°1 de la CGT-Gironde, à la manifestation. Pourtant, si une partie de la Cité du vin a effectivement été privée de courant, l’auditorium où se prononçaient les discours n’a pas été affecté, un groupe électrogène prenant le relais.
François Hollande a donc pu se livrer à un plaidoyer en faveur des appellations d’origine, assurant que la France ne sacrifierait pas ses intérêts « à l’obtention d’un accord » de libre-échange entre l’UE et les États-Unis (TAFTA). La France « défend et défendra les AOC partout dans le monde », a insisté le chef de l’Etat. « Nos appellations sont constitutives de notre patrimoine. Elles garantissent la qualité de notre alimentation », a-t-il ajouté.
François Hollande qui, dans son discours, n’a pas fait de référence au contexe social actuel, avait auparavant réaffirmé, dans une interview à Sud Ouest paru mardi, que « le projet de loi ne sera pas retiré ». Le responsable de la CGT, Philippe Martinez, « a compris qu’il n’y aura pas de retrait », a-t-on souligné dans l’entourage du président. Selon cette source, on estime que « la crête est passée, la crise de l’essence était la plus spectaculaire », ajoutant toutefois que « le mouvement va encore durer », en particulier cette semaine. « Ce qui compte le plus pour nous, c’est que l’économie va mieux. Les bonnes nouvelles s’amoncellent », a-t-on ajouté, en rappelant les chiffres de lundi sur la croissance au premier trimestre et ceux de la construction de logements, ce mardi.
Ironie feutrée Hollande-Juppé
La centaine de journalistes accrédités ont particulièrement suivi les réactions entre MM. Hollande et Juppé, possibles candidats à la présidentielle de 2017. « Je vais finir par me dire que vous aimez les inaugurations bordelaises », s’est amusé M. Juppé, rappelant que le chef de l’Etat en était à sa troisième inauguration dans sa ville depuis 2013. Conscients tous deux que cette répétition ne manquerait pas de susciter des commentaires, les deux hommes ont pratiqué une ironie feutrée sur le sujet. « J’étais ici, encore ici, toujours ici », s’est amusé le chef de l’État en rappelant une précédente visite à Bordeaux. Mais M. Juppé a aussi réservé des flèches à ceux qui le raillent sur son âge, et de façon assez limpide à ses rivaux à droite: « Les hommes sont comme les vins, avec le temps, les bons s’améliorent et les mauvais s’aigrissent », a-t-il lâché, citant Cicéron. Ajoutant dans un large sourire: « Que de sagesse! »
Avant les discours, le président avait déambulé près d’une heure autour des 19 modules numériques du bâtiment, présentant le vin comme patrimoine universel à travers les arts, l’histoire, la philosophie, la géographie, les savoir-faire ou l’artisanat. La Cité du Vin, qui ouvrira au public mercredi, se veut un lieu pédagogique et culturel, mais aussi une attraction architecturale –avec son étonnante silhouette en rondeurs– et touristique. « La viticulture est un enjeu économique majeur pour la région, pour la France, mais c’est d’abord un art de vivre, un plaisir qui ne se goûte vraiment que dans la modération », a souligné le maire de Bordeaux. La mairie est le principal financeur du projet (38%) de 81 millions d’euros.
Une autre manifestation, au moment de l’inauguration, a rassemblé environ 200 écologistes opposés à l’utilisation des pesticides dans la viticulture. Les manifestants se sont allongés, comme morts, sur le bitume, pour symboliser « les trois millions de personnes empoisonnées par les pesticides chaque année ».