L’ANSES -Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail-, avait missionné au printemps 2018 un groupe d’experts après l’alerte lancée par des chercheurs (CNRS, INRA, Inserm) dans une tribune parue dans Libération. En cause, les pesticides SDHI (inhibiteurs de la succinate déshydrogénase), onze molécules utilisées à grande échelle contre les moisissures sur les produits agricoles, céréales, fruits, etc. « Cette substance bloque une étape clé de la respiration des champignons, celle assurée par la succinate déshydrogénase (SDH) », expliquaient ces cancérologues et toxicologues, spécialistes du sujet. Or, selon leurs travaux, « le blocage de cette enzyme peut entraîner à long terme un changement de la structure de notre ADN », à même de provoquer la survenue de cancers.
Pas d’alerte sanitaire
Dans son avis publié mardi, « l’Anses conclut que les informations et hypothèses évoquées n’apportent pas d’éléments en faveur d’une alerte sanitaire (…) qui pourrait justifier la modification ou le retrait des autorisations de mise sur le marché ». Selon l’Agence, « le niveau des expositions alimentaires totales rapportées aux seuils toxicologiques actuellement établis est faible et les dépassements de limites maximales de résidus pour ces substances actives sont exceptionnels ». En outre, « au regard des sources consultées, il n’a pas été identifié de données suggérant une augmentation de l’incidence des cancers spécifiques associés au déficit en SDH, chez l’homme non porteur de mutation (chez les professionnels exposés par exemple) », ajoute l’organisme.
Poursuivre les investigations
L’un des chercheurs à l’origine de l’alerte critique fortement ces conclusions, dans Le Monde daté de vendredi. « L’Anses ne répond pas de manière solide à l’alerte que nous avons lancée », dit Pierre Rustin, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des maladies mitochondriales. La plupart des nouvelles molécules de cette famille ont été mises sur le marché au milieu des années 2000, n’offrant pas encore de recul en terme d’impacts, note-t-il notamment, relevant aussi qu’aucun des experts mandatés n’est spécialiste de ces maladies. L’Anses, elle, considère que le dossier n’est pas clos (…) et poursuit les investigations, « que ce soit pour préciser les niveaux d’exposition interne aux SDHI (quantité de substance présente dans l’organisme) ou approfondir les recherches épidémiologiques, notamment chez les agriculteurs », assure-t-elle.