«Partager et protéger la terre agricole», c’est le leitmotiv de Dominique Potier, député et ardent promoteur d’une réforme foncière qui puisse freiner l’artificialisation et l’accaparement des terres. Il a défendu ce principe à l’occasion du débat intitulé «Foncier agricole, refaire surface» lors des controverses de Bergerac organisées par la Mission Agrobiosciences – INRAE. Ni la collectivisation des terres, ni la libéralisation du marché foncier ne trouve grâce à ses yeux.
Ce parlementaire, qui fut d’abord agriculteur, réclame davantage de régulation sur deux points fondamentaux: le marché du travail à façon, «qui est une manière d’accaparer les terres par des donneurs d’ordres, des contemplatifs qui font faire le travail par les autres!» Deuxième revendication: un meilleur contrôle des cessions de parts sociales au sein des sociétés. Sa conviction profonde est qu’«il n’y a pas de transition agro-écologique sans renouvellement des générations et pas de renouvellement des générations sans justice foncière.» Les grandes exploitations n’étant pas toujours les plus vertueuses sur le plan environnemental, ajoute un autre intervenant.
Le vœu de Dominique Potier est que la terre s’oriente davantage «à celui qui en a besoin et non à celui qui en a les moyens… » Pour cela, il parie sur une forme de discernement collectif pour orienter les terres que se libèrent à la propriété du point de vue «du bien commun» qu’elles représentent. Les bénéficiaires pourraient être d’abord l’exploitant qui a une trop petite surface pour en vivre, ou le jeune qui veut s’installer.
La question foncière est pour Dominique Potier une cause noble, qui se pose en termes de sécurité alimentaire, de climat et de biodiversité, dans un monde interdépendant: «Les choix que nous faisons en matière de foncier peuvent avoir des conséquences sur le rendement du mil en Afrique subsaharienne, et les choix qui se font en Australie dans la gestion des forêts peuvent avoir des conséquences sur la date de récolte des mirabelles chez nous.» La question foncière apparaît tout à la fois environnementale, sociale et sociétale.
Protéger le statut du fermage
Pour Emmanuel Hyest, la question de la propriété foncière est indissociable à celle de son usage. Le président de la Fnsafer s’inquiète tour à tour :
- des menaces sur les changements de destination de la terre qui passent trop souvent d’une vocation nourricière à celle de terrains à bâtir, avec à la clé des plus-values très élevées.
- des velléités d’agrandissement inconsidéré qui compromettent l’installations de jeunes agriculteurs.
- des risques de sanctuarisation de l’espace au bon vouloir d’investisseurs prêts à acquérir du foncier agricole pour en faire une agriculture de loisir ou un espace voué uniquement à préserver la biodiversité.
Le président de la Fnsafer défend l’existence d’un cadre législatif protecteur, «70 % des contentieux qui existent aujourd’hui dans le monde sont liés à l’accès à la terre», argumente-t-il. De ce point de vue, le statut du fermage, qui représente aujourd’hui 70% des terres agricoles exploitées en France, est pour lui fondamental, mêmes si certaines adaptations à la marge peuvent être envisagées. Il l’assure: «Dans les pays où il n’existe pas, il manque cruellement.» Pas question donc de revenir à un système où le fermier serait mis de côté…
Rencontre organisée par l’INRAE et Agrobiosciences, en partenariat avec l’Université catholique de Louvain, Agreenium, l’Ong SOS Faim, la région Nouvelle-Aquitaine et la Fncuma.
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