« Les foires aux vins sont-elles en train de se réinventer? » Dans son numéro de septembre, la très sérieuse Revue du Vin de France (RVF) lance le débat sur le possible essoufflement de cet évènement commercial qui fête, cette année, ses 45 ans, au même titre que les soldes. Au contraire, répond au mensuel Dominique Fenouil, du réseau de cavistes le Repaire de Bacchus, « c’est une véritable institution » même si, tempère-t-il, « ce n’est plus le même format qu’autrefois », quand les foires servaient aux vignerons à vider leurs caves avant la prochaine vendange.
Aujourd’hui, ce sont quelque 54 millions de bouteilles, à des prix variant entre 5 et 20 euros en moyenne, qui sont écoulées sur les seuls mois de septembre et octobre. Pour Fabrice Beaugrand, expert du guide Bettane et Desseauve, « ça a failli devenir ringard » mais grâce aux acheteurs des grandes surfaces « qui ont fait le job » et à la qualité qui a progressé, les foires aux vins « restent un évènement incontournable », souligne-t-il à l’AFP.
Selon le guide, dont l’application « Le Grand Tasting » recense plus de 2.000 vins dégustés à cette occasion, l’opération a pris tellement d’ampleur qu’elle regroupe désormais plus de 30 enseignes, entre grande distribution, hard-discount et e-commerce.
Course de fond
Pour les distributeurs, c’est toujours le jackpot, souligne à la RVF Jérôme Peter (Carrefour Market): « L’ensemble des enseignes françaises (ayant) réalisé un chiffre d’affaires de 515 millions d’euros en 2017 contre 380 millions d’euros en 2010. »
Et pour les vignerons, elles constituent « un outil de dynamisation de la commercialisation des vins qui rejaillit sur tous les producteurs », selon Bernard Farges, vice-président du conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), pour qui « les foires ne sont pas mortes ». A travers « la mise en avant d’un produit, elles servent autant le produit que le magasin, que le vin français dans sa globalité », résume-t-il à l’AFP.
Enfin, pour le consommateur, c’est une course de fond qui s’engage: éplucher les catalogues, lister les bouteilles à acheter en fonction de ses goûts et de son budget – pour un panier moyen d’une centaine d’euros – et surtout arriver tôt pour ne pas se faire souffler « le » flacon tant désiré.
Certes, « on ne fait plus des affaires sur de grands vins aujourd’hui » comme dans les années 1980-1990, explique Thierry Desseauve, mais la qualité et la diversité de l’offre sont telles que cela reste intéressant pour le « consommateur averti et curieux » qu’est devenu l’amateur de vin.
Basculement générationnel
Ce millésime 2018 sera l’occasion de quelques nouveautés chez les distributeurs: ouverture d’une cave à vins éphémère Lidl dans le Marais à Paris, mise en avant de vignerons « visionnaires » chez Monoprix, coup de projecteur sur les vieux millésimes (1985-1997) chez Système U, etc.
Comme dans l’alimentation, les vins bio s’affirment comme « la » tendance de fond encore cette année. Chaque enseigne leur fait la part belle: jusqu’à 15% chez Auchan et Système U, plus de 10% chez Carrefour… Sans oublier les sélections bio, biodynamiques, « nature » (sans soufre) et vegan de Biocoop et Naturalia.
Enfin, les foires aux vins constituent une « entrée » vers l’œnologie. « Elles permettent un basculement générationnel vers le vin », estime à la RVF Michel-Edouard Leclerc. Un constat que partage M. Farges: le « fort déploiement de communication » à l’occasion des foires, à travers les catalogues notamment mais aussi des animations en magasins, permet de toucher « un plus grand nombre de consommateurs ».
Chez Vente-Privée, on le confirme. « Les moins de 35 ans représentent 40% de nos acheteurs de vin et les femmes, 46% », souligne Jacques-Antoine Granjon, le PDG du site.
« Il y a 15-20 ans, conclut M. Farges, on ne voyait pas de jeunes en terrasse des cafés devant un verre de vin, alors qu’aujourd’hui, c’est de plus en plus fréquent. »