Des exploitations sinistrées, des élevages abattus, des dizaines de millions d’euros de pertes: les professionnels du foie gras ont vécu des mois très durs, depuis fin 2015 et la réapparition pour la première fois depuis 2007 de cette influenza aviaire. Vide sanitaire, plus un seul canard pendant cinq semaines dans le sud-ouest, l’Etat a mis en place un plan inédit par son ampleur afin de « casser le cycle du virus » et restaurer la confiance, surtout des acheteurs étrangers, a rappelé le ministère jeudi. Et si les éleveurs ont pu « repeupler » dès mai dernier leurs fermes, rendant possible à partir d’août le redémarrage de la production de foie gras, canetons et oies restaient depuis confinés dans une « zone de restriction » de 17 départements du Sud-Ouest, désormais levée, donc. Cette décision « validée par l’Union européenne lors d’une réunion du comité technique compétent à Bruxelles hier, 13 septembre », constitue « une étape importante franchie dans la gestion de cet épisode sanitaire sans précédent en Europe », s’est réjoui le ministère de l’Agriculture. « Il faut vraiment se satisfaire de cette première étape, c’est une bonne nouvelle après des mois et des mois de travail acharné », a dit à l’AFP Christophe Barrailh, administrateur du groupe coopératif Euralis, en y voyant « un bout de rayon de soleil ». Il a rappelé que la profession a dû faire l’impasse sur un quart de sa production en 2016 et a subi quelque 270 millions d’euros de pertes (130 millions pour les éleveurs, 140 millions pour les transformateurs), pour un chiffre d’affaires de 1,5 milliard d’euros. « Les 1.000 et quelques analyses réalisées dans le cadre du repeuplement attestent massivement que la situation est aujourd’hui assainie », s’est toutefois réjoui M. Barrailh.
« Un petit moment de joie »
« On est soulagé bien sûr et c’est forcément une bonne nouvelle mais on se souviendra longtemps de cette crise, notait, encore amer, Serge Mora, 58 ans, éleveur-gaveur de canards dans la commune landaise de Mugron-en-Chalosse, dont l’exploitation a été déclarée « foyer » dès le début de la crise. « Et puis la levée d’interdiction de circulation c’est bien joli, mais pour les indemnisations, il manque 31.630 euros à l’appel, pour moi, et pour un collègue, c’est pire, c’est plus de 40.000 euros qui manquent à l’appel! », pestait M. Mora. L’interprofession faisait pourtant état de 130 millions d’euros d’aides de l’Europe pour les éleveurs, et rien pour l’instant, pour les fabricants de foie gras, dont 6.000 salariés ont été touchés par des mesures de chômage technique. Pour toutes ces raisons, Marie-Pierre Pé, déléguée du comité interprofessionnel du foie gras, a évoqué un « petit moment de joie après un moment difficile » Elle se montrait toutefois anxieuse de savoir à quel point la concurrence étrangère, notamment bulgare, a profité de cet épisode pour tailler des croupières à la France: « on verra l’étendue des dégâts aux fêtes de fin d’année ». « La fin de l’épisode, ce sera lorsqu’on aura retrouvé le statut indemne vis-à-vis de l’influenza », dans un délai de trois mois à partir de la fin des opérations de nettoyage et désinfection sur les derniers foyers », a d’ailleurs rappelé le ministère. Un statut précieux qui doit permettre à la France d’exporter à nouveau vers les pays tiers (hors UE) et de tenter de regagner les 10% des ventes envolées.
Paris, 14 sept 2016 (AFP) Par Nicolas GUBERT