Le manque de foie gras frais sur le marché, couplé aux investissements nécessaires pour accompagner les mesures de biosécurité, vont engendrer des « hausses structurelles des coûts de production » accompagnées d’une « réduction des capacités des élevages estimée entre -10 et -15% », a expliqué mardi Christophe Barrailh, président du Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog), lors d’un point presse.
La conjugaison de l’ensemble de ces facteurs devrait donc générer des « tensions durables » sur le prix du foie gras. « Avec une baisse de la production à deux chiffres, on peut s’attendre à une hausse des prix du foie gras à deux chiffres, entre 10 et 20% », a renchéri Jean-Jacques Caspari, du Cifog. En tout, la baisse de 25% de la production, représente 4.750 tonnes sur les 18.820 tonnes produites en 2015. Pour lui, la filière en a encore pour « 12 à 18 mois » avant de pouvoir sortir du trou où l’a plongé cette crise « inédite » qui a démarré en Dordogne cet automne.
Pour endiguer l’épizootie de grippe aviaire, le gouvernement a décidé de mettre en place un vide sanitaire de cinq semaines dans les élevages de 18 départements à partir du 18 avril. L’élevage de canetons d’un jour n’a pu reprendre qu’à la mi-mai après une complète désinfection des élevages. Les entreprises d’abattage et de transformation ne reprendront elles leurs activités qu’au 16 août, date à laquelle elles auront de nouveau des palmipèdes gavés à abattre. Ce trou de production représente 8 millions de têtes non produites dans les départements touchés, sur 37,18 millions de canards produits en 2015. Et les départements qui n’ont pas été touchés n’en ont pas non plus profité pour augmenter leur production car ils ont préféré mettre en œuvre directement les mesures de biosécurité demandées par le gouvernement pour éviter qu’une telle crise ne se reproduise.
Le plan de biosécurité impose de nouveaux modes d’élevage qui demandent notamment d’importants investissements dans les bâtiments. Le Cifog avait chiffré à 270 millions d’euros le préjudice pour la filière, dont 130 millions pour l’amont et 140 pour l’aval, auquel il ajoute les investissements dans les nouveaux bâtiments pour 220 millions d’euros, ce qui représente un coût global de près de 500 millions.
Fermeture aux exportations françaises
A cela s’ajoute la fermeture de nombreux pays, notamment asiatiques, aux exportations françaises. Selon le Cifog, les importations depuis les deux autres pays européens producteurs de foie gras, Hongrie et Bulgarie, devraient augmenter de 1.000 tonnes, tandis que les exportations françaises diminueront de 1.400 tonnes. La France avait exporté 4.560 tonnes en 2015. Mais l’inquiétude des producteurs français de foie gras n’est pas de voir ces deux pays inonder les étals français, faute d’une production suffisante. Ils craignent plutôt qu’ils ne les concurrencent à l’étranger. « On peut considérer qu’une partie de la production bulgare et hongroise va aller vers la France, mais aussi vers les pays tiers qui nous sont fermés. Nous allons perdre des marchés sur lesquels tout se passait bien jusqu’à l’année dernière », a déploré Marie-Pierre Pé, déléguée générale du Cifog.
« Nous sommes sur le chemin pour produire environ 2.500 tonnes de foie gras cette année, contre 2.000 l’année dernière, a assuré à l’AFP, Plamen Chelebiev, le propriétaire de l’entreprise bulgare Volex qui produit des aliments à base de canard, dont du foie gras. La crise en France « est bonne pour nous. Nous allons être en mesure d’augmenter notre production, d’élargir nos parts de marché et peut-être même augmenter nos prix, c’est positif », a-t-il assuré. Laszloné Molnar, directrice des ventes de la société hongroise Pannon Fine foods a, elle, assuré que la production de foie gras de canard était « en hausse en lien avec la crise de la grippe aviaire en France. Nous passons de quelque 3 millions de canards à 4 millions », et « 80% de la production hongroise de foie gras est exportée vers la France ».