Le programme Prodige étudie en détail 21 unités de méthanisation en France, 16 en individuel et 5 collectives. Elles ont en moyenne 4 ans d’activité. Pierre Quideau, de la chambre d’agriculture de Bretagne, en a donné les premiers enseignements au Space. L’échantillon est homogène: toutes en infiniment mélangé et co-génération. Globalement, les exploitants sont satisfaits de leur installation. Ils lui accordent une note moyenne de 7,5/10, tant sur le plan technique qu’économique.
Productivité
Le moteur tourne plus de 8.000 h/an dans les deux tiers des cas, soit moins de 10% de temps d’arrêt. Pour les autres, l’activité est insuffisante. Les experts ont calculé la productivité, c’est-à-dire les kWh réellement produits par rapport à la puissance théorique sur une base de 8.000 h/an. Résultat: elle ne dépasse 80% que pour une petite moitié de l’échantillon.
Coût de production
Selon cette étude Prodige, le coût de production «standardisé» du MWh s’élève en moyenne à 187 €, dont 80 € d’amortissement, 93 € d’exploitation et 14 € de main-d’œuvre. Ce chiffre monte à 222 € pour l’installation de moins de 145 kW et descend à 171 pour les plus de 300 kW. Ces dernières affichent par contre des coûts d’approvisionnement supérieurs à ceux des petites.
Marge
Le produit réalisé par MWh s’élève à 241 €, dont 211 d’électricité. Le reste agrège la vente de chaleur, les économies de chauffage ou d’engrais, etc. Ce produit ramené à l’unité a tendance à baisser quand la taille de l’installation augmente. Il en résulte une marge moyenne de 54 €/MWh, avant cotisations et impôts. Soit 25% de la recette d’électricité. Elle provient pour une part notable des gains hors vente d’électricité. Là aussi, il apparaît de la variabilité. Les 20% des installations les moins rentables gagnent 25 €/MWh et les 20% les plus rentables, 71 €/MWh.
Un tiers temps
Le travail consacré au méthaniseur représente en moyenne un tiers temps, 583 h/an, pour 100 kW. Mais il se révèle très variable: les 20% les plus efficaces des opérateurs sont en dessous de 300 h/an, et les 20% les plus sollicités dépassent 700 h/an, toujours pour 100 kW. Globalement, 80% des exploitants sont satisfaits de leur activité sur le plan du travail. Tous relèvent que cette activité demande disponibilité et réactivité et qu’elle est plus facile à assurer à plusieurs.
Diversité
On constate une certaine diversité dans le dimensionnement des installations étudiées. Ainsi, pour celles avec digesteur + post-digesteur, le volume total va de 8 à 52 m3/kWé, et le temps de rétention hydraulique s’étend de 46 à 291 jours. Dans cette même catégorie, la production journalière de méthane par mètre cube de digesteur varie de 1 à 10 ! Il y a des unités surdimensionnées manquant de matière première. Cette variabilité se retrouve dans les investissements: de 3.500 à 11.000 €/kWé, avec un effet d’échelle selon la taille mais aussi une diversité de conception. Les subventions ont financé 4 à 41% de l’investissement, 27% en moyenne. Aujourd’hui, elles pèsent moins.
Quelques arrêts
Même si les exploitants se disent majoritairement satisfait du nombre d’arrêts de production, ces derniers concernent 4 sites sur 10, avec 14 jours d’inactivité en moyenne. Les causes: panne de brasseur, acidose, antibiotiques… Le fait de n’avoir qu’un seul digesteur est dans ce cas plus dommageable.
Pas que des effluents
Les effluents d’élevage et déchets d’exploitation contribuent pour 69% au tonnage entrant, mais seulement 35% de l’énergie produite. On observe à ce propos des problèmes mécaniques avec les fumiers très pailleux. Les CIVE et menues pailles ont fait des déçus et sont jugées chères. Les substrats à forte teneur en soufre, colza et fientes de volailles, peuvent aussi susciter des difficultés. Les matières non agricoles sont, quant à elles, plus méthanogènes mais leur disponibilité diminue sur les territoires. Si bien que les projets récents s’appuient moins qu’auparavant sur cette ressource. Les déchets verts ont pour inconvénient d’être pollués par des matières inertes.
Des séchoirs
Le digestat passe par un séparateur de phases dans un cas sur deux. Les exploitants se disent satisfaits de sa valorisation. La chaleur est pour sa part valorisée en chauffage du digesteur mais beaucoup ont créé un nouvel atelier pour l’utiliser, notamment des séchoirs.
Prudence
Pierre Quideau a fait quelques remarques pour relativiser ce travail d’analyse économique. Dans les investissements, il faudrait ajouter le temps passé avant la mise en service, l’autoconstruction et l’autofinancement par l’exploitant, et le besoin en capacité de stockage supplémentaire. Il cite aussi les ateliers nouveaux créés pour valoriser la chaleur mais qui se révèlent souvent peu ou pas rentables. Il ajoute que l’échantillon contient des unités jeunes qui n’ont pas encore connu l’usure mécanique ou le besoin de curage qui interviennent à 5-6 ans.
Retrouvez notre feuilleton sur l’expérience de la SAS Métha-Ferchaud en Ille-et-Vilaine.