L’élevage français pourrait réduire très fortement sa consommation de soja américain. Il serait même en mesure de s’en passer totalement. Une étude(1) précise surtout qu’un tel changement pourrait s’opérer «assez rapidement» en France, et à moyen terme en Europe. Les auteurs identifient plusieurs leviers qui mettraient ainsi les cheptels au régime ‘sans soja d’importation’. Pour eux, même les vaches laitières, exigeantes en matière de protéines, peuvent se rendre autonomes.
L’élevage français peut-il faire sans le soja américain?
Les instituts spécialisés affirment que les filières d’élevage peuvent s’affranchir du soja américain. D’une part les bovins sont les premiers consommateurs de tourteaux. Or «ils pourraient très bien se passer du soja du point de vue nutritionnel», posent les experts. En divisant par deux la quantité d’ensilage de maïs dans leur ration, les vaches laitières européennes pourraient «économiser l’intégralité du tourteau de soja» qu’elles consomment aujourd’hui. En même temps, cet élevage se rendrait globalement autonome par rapport au soja importé.
Un développement des légumineuses à graines et le recours à des prairies riches en légumineuses compenserait cette réduction des ensilages de maïs. L’analyse précise toutefois qu’1,5ha de prairie en plus compense 1ha de maïs en moins. En outre, «la bonne gestion de ces prairies riches en légumineuses sans azote minéral reste plus complexe à piloter. Elle suppose un apprentissage et un accompagnement technique sur plusieurs années.»
En France, le soja représente environ la moitié des tourteaux que l’élevage utilise
Contrairement aux précédents bovins, les volailles peuvent difficilement se passer des protéines du soja. Pour autant l’analyse observe que «le climat européen ne limite pas le développement des légumineuses à graines.» Et en quadruplant sa surface de soja actuelle, l’agriculture européenne couvrirait déjà près de 80% des consommations actuelles de ses volailles. Ainsi, «la combinaison des deux voies, c’est à dire la suppression du soja chez les bovins et la multiplication par quatre des surfaces en soja et par trois des protéagineux européens, devrait permettre de passer d’un taux d’autonomie de tourteaux importés de 30% à plus de 80%.»
Pourquoi se passer du soja d’importation pour l’élevage?
Le citoyen-consommateur en Europe associe le soja américain à trois défauts majeurs. L’extension de cette culture se fait souvent aux dépens de la forêt amazonienne. Il impacte en conséquence la biodiversité et le climat. De plus, la plante OGM (dans la grande majorité des cas) s’associe à un désherbant potentiellement cancérigène. Enfin, quasiment conduite en monoculture, elle nécessite de plus en plus de pesticides. Et un bon nombre de ces derniers sont même interdits en Europe. En outre, l’histoire sanitaire récente souligne que des catastrophes capables de bloquer le commerce mondial des denrées alimentaires ne peuvent plus être exclues.
Le contexte est de plus en plus favorable à la valorisation des ressources locales
Ainsi une partie des consommateurs en France demande une production à partir des ressources locales. Sans compter que les atouts des légumineuses devraient prendre plus de poids dans les débats sur la souveraineté alimentaire.
La France a déjà réduit ses importations de tourteaux de soja
De 5Mt/an au début des années 2000, les importations nationales de tourteaux de soja américain se sont déjà réduites. Elles s’établissent à environ 3,5Mt/an sur la période 2017-2019. Pour cause, les tourteaux de colza ou tournesol par exemple gagnent un peu de terrain. Par ailleurs la filière porcine a très fortement réduit son usage du soja. Les aliments composés intègrent désormais d’autres tourteaux. Ils mobilisent également des acides aminés de synthèse. Les experts précisent que cette évolution s’est faite «sans pénaliser le coût de production».
En revanche, les bovins ne suivent visiblement pas la même tendance. Malgré la diminution des effectifs, «la quantité d’aliments composés du commerce continue d’augmenter.» Et l’étude observe particulièrement l’élevage laitier où «la part d’herbe dans la ration annuelle semble en baisse ces dernières années.»
Elevage français sans soja américain: un développement nécessaire qui dépend d’un soutien public
La publication alerte par ailleurs sur la nécessité de l’accompagnement public. Alors que «la culture de soja semble possible partout en France là où l’on fait du maïs grain et dans les régions de grandes cultures», elle peine à décoller. En 2020, la surface de soja française représente toutefois 186.000ha, contre 120.000ha cinq ans plus tôt. Ajoutons qu’elle est très peu valorisée en nutrition animale.
«Pour viser une suppression totale des importations de tourteau de soja, tout en maintenant les performances de production» des différents élevages, l’étude appelle notamment à «multiplier par quatre les surfaces en soja.» En même temps, il faudrait doubler les surfaces en protéagineux. Pour ces derniers, la synthèse précise que leur culture se ferait essentiellement en mélange avec des céréales. En effet, «ces cultures sont nettement plus sûres car plus rustiques.»
(1) publiée par Idele, avec l’Académie d’agriculture de France et le bureau d’études Asca.
À lire, L’étude complète sur la réduction du soja importé
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