Etre salarié de cuma, en quoi ça consiste ? Le témoignage de Julien Jayer, salarié de la cuma de Vigy en Moselle.
Quel est ton parcours professionnel ?
J’ai d’abord réalisé un BEP en agroéquipement puis un BAC CGEA (Conduite et gestion des exploitations agricoles). Après mon diplôme, j’ai travaillé dans une ETA avant de trouver un poste à la cuma de Vigy en 2002. J’y suis resté loyal jusqu’à maintenant.
Le matériel agricole et la mécanique m’ont toujours intéressé. Mais j’avais cette envie de diversité, je ne voulais pas me cantonner à un seul domaine. Ce poste à la cuma m’a apporté cette diversité.
Etre salarié de cuma, qu’est ce que c’est ? Quelle est ta journée type ?
En arrivant le matin, il y a l’impératif traitement et gestion des mails, le suivi des facturations et des différentes commandes de matériels, ainsi que la prise des réservations. C’est moi qui centralise les réservations du matériel et organise les plannings de travaux. Les adhérents m’appellent et j’essaie d’organiser au mieux le planning, afin que tous les travaux puissent être fait à temps. C’est crucial lors de chantiers complexes où le temps est compté comme l’ensilage où la moisson. Une bonne organisation, donc un travail presque à flux tendu nous permet de dimensionner les machines aux besoins réels. Donc de limiter les coûts.
Ensuite, je m’occupe de répartir les différentes tâches entre tous les salariés. Puis je pars dans les champs réaliser les travaux prévus. En effet, nous sommes trois salariés à la cuma de Vigy. Il faut donc de l’organisation pour réaliser au mieux les travaux des adhérents.
Le travail varie suivant les saisons
De plus, je participe également aux différentes réunions du conseil d’administration ou aux AG afin d’apporter des conseils concernant l’achat de matériel agricole. Bien que les décisions d’achat de matériel soient prises par le conseil d’administration, j’ai acquis au fil du temps une bonne connaissance du marché et du matériel agricole. Je peux donc apporter des conseils utiles aidant à la prise de décisions. J’essaie également de me tenir au courent des différentes évolutions techniques du matériel afin de pouvoir faire les meilleurs choix.
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Le travail de salarié de cuma varie également suivant les saisons. En hiver, le travail est moins intensif. J’en profite pour travailler à l’atelier et réaliser les entretiens et réparations de machines qui le demandent. Avec un parc de plus de 50 machines, le travail ne manque pas. Je peux également réaliser des modifications sur des machines, comme l’ajout d’une trémie sur un semoir par exemple. En été, entre les réparations et entretiens d’urgence et les différents travaux, les horaires sont bien sûr plus chargés.
Pour toi, quels sont les avantages d’être salarié de cuma ?
C’est avant tout la diversité des tâches qui m’a attiré dans ce travail. Etre salarié de cuma demande bien sûr de se tenir au courant et de s’intéresser à beaucoup de sujets. Je ne connais pas d’autre travail en tant que salarié agricole qui soit autant diversifié. J’aime la mécanique, mais j’ai l’âme de l’agriculteur. Je comprends donc leurs attentes et leurs besoins, que ce soit en termes pratiques mais également agronomiques.
Pour moi, le gros avantage de ce travail est la liberté qui va avec. Je peux m’organiser comme je le souhaite et l’on me laisse beaucoup de latitude dans les choix et décisions qui doivent être prises. Cela implique bien sur une bonne organisation et surtout de la conscience professionnelle, car au final, le travail doit être fait et bien fait.
Le plus important ? La confiance entre le salarié et les adhérents de la cuma !
Pour que cela fonctionne, je dirais que le plus important est la confiance qui doit s’installer entre le salarié et les adhérents de la cuma. Sans confiance, cela ne peut pas fonctionner. Bien sûr, cette confiance ne se construit pas du jour au lendemain. Il a fallu plusieurs années, mais, c’est gratifiant de pouvoir partager ses connaissances techniques et en discuter avec les adhérents. J’ai pris l’habitude de travailler avec le conseil d’administration. Les membres du conseil peuvent s’appuyer sur leur salarié et vice versa. C’est sur cette base solide que l’on doit s’appuyer pour faire tourner la cuma.
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Par ailleurs, il y a une part importante de social dans ce travail. En effet, nous n’avons pas un seul patron, mais autant que d’adhérent. Il faut pouvoir aller discuter et s’entendre avec tout le monde, comprendre les attentes de chacun. Cela demande parfois de mettre les choses à plat et de s’expliquer clairement mais surtout, on apprend tellement de choses en discutant avec autant de personnes différentes. Cela élargi nos horizons et notre façon de réfléchir.
J’ai aussi la chance d’être dans une grosse cuma, avec trois salariés. Cela nous permet de nous organiser entre nous. Notamment pour les plannings de congés. Mais aussi car nous pouvons nous répartir les tâches selon les envies et capacités de chacun. Cela permet également une meilleure organisation du travail. On absorbe plus facilement les coups de stress et les imprévus.
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Quelles sont selon toi, les qualités nécessaires à un bon salarié de cuma ?
La formation des nouveaux salariés est une question complexe. Premièrement car, il est vrai, le boulot ne convient pas à tout le monde. Il faut trouver quelqu’un qui aie des connaissances en mécanique, en conduite de machine, quelqu’un qui a l’âme d’un agriculteur et qui donc comprends les implications d’un bon travail du sol par exemple.
Etre salarié de cuma veut dire être autonome. Le fait d’avoir non pas un, mais plusieurs patrons, implique de pouvoir jongler entre toutes les demandes, savoir organiser son emploi du temps. Bien que le président de la cuma ou le responsable salarié soit la première personne de contact du salarié, il faut que ce dernier puisse travailler de concert avec tout le monde.
Mais il n’empêche que malgré toutes ces qualités, il faudra former la personne au mode spécifique de fonctionnement de la cuma, à son organisation. Cela demande un investissement en temps. Mais au final, si la personne est motivée, le nouveau salarié aura acquis beaucoup de compétences variées.
Quel est le prochain défi auxquels seront soumis les salariés ?
Clairement, la technicité des machines qui augmente. L’ajout constant de nouvelles technologies, d’options plus diverses que variées, de composants, rend l’utilisation des machines de plus en plus complexe. Mais il s’agit là d’un levier énorme que nous, salariés de cuma avons à apporter aux agriculteurs.
Nous pouvons nous concentrer sur l’acquisition de connaissances purement techniques, peaufiner les réglages, choisir les bonnes options qui feront la différence en termes de rendements par exemple. Et tout le monde sait qu’une machine bien réglée peut avoir un impact énorme sur la qualité finale du produit. Savoir conduire correctement une machine permet de limiter l’usure des pièces, de connaitre les vitesses d’avancement idéales afin d’être le plus efficace possible.
Au final, les adhérents s’y retrouvent, car ils peuvent se concentrer sur la partie gestion et agronomique de leur exploitation.
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