Les entreprises ont-elles un rôle à jouer en matière de responsabilité environnementale et sociale (RSE)? C’est en tout cas l’esprit de l’un des nombreux chapitres de la nouvelle Loi Pacte (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) publiée officiellement le 23 mai. La nouvelle législation appliquée aux entreprises élargit en effet leur définition. Juridiquement, elles n’ont plus seulement une vocation économique. Elles sont supposées désormais ne plus feindre l’intérêt des mandants qui gravitent autour d’elle: salariés, actionnaires, fournisseurs, sous-traitants, clients… Ce tournant est l’objet d’un article précis inscrit dans le code civil.
Un label «entreprise à mission»
Les entreprises les plus sensibilisées aux enjeux sociaux et environnementaux, pourront même opter pour le label «entreprise à mission». Cette évolution est inspirée des systèmes de certification «IB-Corps» en cours aux Etats-Unis. La disposition s’inscrit dans le prolongement du rapport intitulé “L’entreprise, objet d’intérêt collectif” rédigé par Nicole Notat, ancienne secrétaire générale de la CFDT, et Jean-Dominique Sénart, ancien président du groupe Michelin puis Renault. Dans ses statuts, une société pourra ainsi spécifier sa «raison d’être», c’est à dire les besoins sociétaux que l’entreprise souhaite résoudre selon des modalités définies. Elle devra détailler la mission qu’elle s’est assignée. Celle-ci devra être définie par les actionnaires et validée par les salariés. Tous les ans, un organe de suivi vérifiera si la stratégie qui a été mise en œuvre correspond bien aux exigences que s’est fixée l’entreprise à mission. Exemple: on peut imaginer demain qu’un manufacturier qui a opté pour ce statut exige que l’approvisionnement en caoutchouc, utilisé pour fabriquer les pneumatiques, ne conduise pas à une détérioration environnementale liée à des plantations d’hévéas au détriment de la forêt.
Un gadget marketing?
Aujourd’hui, l’environnement a le vent en poupe. En parallèle, les consommateurs sont de plus attentifs au respect des droits fondamentaux des travailleurs qui fabriquent les biens mis sur le marché. L’entreprise Nike l’a appris à ses dépens voici quelques années, lorsqu’elle été mis à l’index par les ONG. Elle était accusée de commercialiser des vêtements fabriqués au Bangladesh dans des conditions sociales et environnementales désastreuses. La firme a essuyé un effondrement de ses ventes et parallèlement, le cours de ses actions a dégringolé. L’enjeu d’un statut d’entreprise à mission est donc de prouver que l’entreprise concernée est vertueuse sur ces questions. Toutefois, les obligations statutaires et légales qui incombent aux entreprises de l’économie sociale et solidaire ne sont pas les mêmes pour les entreprises à mission. Il n’y aurait qu’une obligation de moyens et non de résultats…
Confusion des genres
Le risque d’une confusion des genres existe donc pour certains observateurs qui craignent que ce nouveau statut soit seulement une opportunité, pour les sociétés privées à but lucratif, de se doter d’une bonne image à peu de frais. Sans véritable contrôle des pouvoirs publics! Les coops agricoles qui se considèrent naturellement comme des entreprises à mission de la première heure, pointent ce risque de confusion dans les esprits. Elles pourraient être elles-mêmes concurrencées par des entreprises à mission, qui évoluent sur le même créneau, sans avoir les mêmes exigences en matière de gouvernance démocratique par exemple. Il est encore prématuré aujourd’hui d’appréhender les conséquences concrètes liées à l’adoption de ce nouveau statut pour les entreprises concernées…
Danone, Hénaff, InVivo
D’ores et déjà, des entreprises comme Danone ou Hénaff semblent partantes pour ce statut, au bénéfice de leurs salariés ou de leurs producteurs agricoles. Certaines filiales de coopératives pourrait aussi s’inscrire dans cette voie comme les filiales du groupe InVivo. «Ce statut permettra à nos filiales de s’aligner sur celui de l’Union, de faire valoir leurs engagements, de faire progresser les valeurs coopératives et mutualistes qui sont les nôtres», indique Thierry Blandinière, directeur général, dans le rapport d’activité 2018 du groupe coopératif.