La chance a souri à ceux qui ont levé tôt. Le premier enseignement du cycle 2020 de la production de maïs fourrager est déjà que la culture annuelle confirme son succès d’année en années, avec une sole stabilisée autour de 1,4 Mha depuis deux décennies. De cette surface nationale sont sorties 11,9 t MS/ha. Ce rendement moyen, s’il reste correct vu le déficit hydrique estival, est inférieur au repère des cinq dernières années (12,4 tMS/ha). Il cache surtout une disparité marquée entre deux parties de la France : les régions de la bordure maritime, du Nord à la Vendée, et celles sevrées d’eau plus longtemps, donc plus impactées, à la fois sur les rendements et sur les compositions. Car si juillet a été très sec pour l’ensemble des maïs, certaines régions ont commencé à manquer d’eau avant et/ou n’ont pas bénéficié de précipitations réparatrices en fin de cycle.
Les semis s’étalent sur un mois, les ensilages sur deux
Dans ce paysage, l’effet de la date d’implantation aura donc eu un impact, à l’avantage des premières parcelles semées. Car si la pression des corvidés (devenus le premier ravageur de la culture) a animé l’actualité printanière, les démarrages ont pu bénéficier de conditions favorables dès les chaleurs du mois d’avril.
Corbeaux et choucas volent la vedette à pyrales et géomyzes
Lors de leur présentation du bilan de campagne 2020, les spécialistes d’Arvalis notent aussi un petit coup de mou global sur la teneur en énergie du fourrage. «37% des ensilages sont en dessous du repère de 0,9UFL, contre 25% l’an dernier», illustre Hugues Chauveau en pointant la faible production d’amidon dans les maïs d’une très grande partie territoire. «Dans le centre-Ouest ou l’Est, 40 à 50 % des analyses présentent un taux d’amidon inférieur à 25%.» Dans certaines régions, très impactées par le stress hydrique lors des floraisons (Lorraine, Franche-Comté…), «nous avons même 5 % des maïs qui contiennent moins de 10 % d’amidon.»
Des récoltes globalement au bon stade de maturité
Bonne note en revanche sur la date de récolte: à un taux de matière sèche de 33,5%, la moyenne nationale est dans les clous des préconisations. Mis à part les coups de vent qui ont pénalisé les chantiers à partir d’octobre, les conditions ont été plutôt clémentes pour les éleveurs et leur ensileuses. Pour autant, plus d’un tiers des chantiers (37%) se sont fait au-delà du stade maximal préconisé (de 35% MS). Plus qu’un réellement dépassement de la maturité du grain, «c’était plutôt en raison de l’assèchement végétatif des plantes, dans les régions les plus impactées par le manque d’eau», constate Hugues Chauveau.
Quand les conditions sont dures, elles le sont pour toutes les cultures
Ici, peu de rendement, avec peu de grain, dans un fourrage difficile aussi à mettre en conservation dans les meilleures conditions… quand le phénomène ne fait que se répéter, la question d’opérer des changements stratégiques est toute légitime. Michel Moquet, le référent maïs fourrage pour l’institut, note que si le maïs tire la langue dans ce genre de contextes, ce n’est pas la seule culture fourragère à le faire. Ainsi, «là où on produit 7 ou 8 t MS/ha avec du maïs, ce sont toujours 7 ou 8 t qu’on aura produites», et il n’y a pas d’alternatives crédibles et évidentes pour faire mieux, dans l’état actuel des connaissances. L’ingénieur cite les sorghos, «qui font figure de fourrage de substitution ou de complément», en précisant qu’Arvalis a réinvesti le dossier et doit poursuivre le travail, «pour rafraichir les observations» du comportement en situation hydrique limitante.
Quant au maïs dans les silos, même en considérant ces deux France, avec ou sans eau, l’hétérogénéité, y compris intra-régionale, caractérise la nature du fourrage. Aussi les experts rappellent leur message aux éleveurs qui voudront construire leurs rations sur la base de ces maïs 2020: «il est vivement conseillé de le faire analyser.»