Depuis un an, Claas communique beaucoup sur son nouvel éclateur d’ensileuse MCC Shredlage, dédié à la coupe longue (de 20-22 à 30mm). Quelques éleveurs affûtés connaissaient déjà ce principe d’origine américaine, mais qui n’était pas facile à se procurer en Europe. Il a fallu que le constructeur allemand le fasse entrer à son tarif pour que la situation évolue.
Fin 2016, John Deere a pour sa part annoncé un accord de collaboration avec Scherer, l’entreprise américaine qui fabriquait jusque-là les éclateurs Shredlage. Il ne semble pas y avoir de suite en France, suite à des essais peu concluants effectués en Allemagne en 2016. Chez nous, John Deere considère suffisant son modèle à rouleaux rainurés «USA intensif». En 2017, un concessionnaire Krone de Normandie a également équipé une machine avec des rouleaux Scherer pour le tester. Bref, cette technologie alimente les discussions.
Coupe longue et grain pulvérisé
De quoi parle-t-on exactement? Anthony Baslé, nutritionniste chez Eilyps, préfère parler de «coupe longue et grain pulvérisé», puisqu’il y a d’un côté le Shredlage, marque déposée appartenant à Claas, et de l’autre, le proche cousin de chez Scherer et, sans doute, des solutions encore différentes chez les constructeurs concurrents. L’idée est de couper le maïs entre 22 et 30mm, de le mâcher suffisamment pour obtenir non plus des «cubes» mais des fragments de tige de quelques millimètres de diamètre et, en même temps, d’éclater finement les grains.
Les morceaux de tige ainsi obtenus apportent un effet fibre qui supprime le besoin d’équilibrer avec de la paille ou du foin. Claas affirme également que la tige de maïs est mieux digérée en raison d’une plus grande surface d’attaque lors de la digestion. Le grain pulvérisé est, quant à lui, bien digéré et son amidon mieux valorisé. Coupe longue et grain pulvérisé: peut-être l’appellation «CLGP» va-t-elle s’imposer?
Plus coûteux
Sur le plan machine, ce type d’éclateur très énergique demande plus de carburant, augmente l’usure et réduit le débit de chantier. Mais de façon modeste selon Claas, qui annonce 4% sur ces trois critères. C’est aussi un investissement. Les premiers entrepreneurs équipés facturent un supplément de 30 à 40€/ha, ou 100€/h. Les éleveurs y trouvent-t-ils un bénéfice?
Arvalis sur le coup
Arvalis a mené l’enquête en analysant les résultats de 5 essais indépendants menés aux Etats-Unis et en Allemagne. Conclusion, rapportée dans l’édition de septembre de Perspectives Agricoles: «A ce jour, les résultats des essais ne permettent pas d’affirmer qu’une coupe plus longue des brins d’ensilage de maïs améliore sensiblement la valorisation de la ration et le confort digestif.» Arvalis annonce la mise en place d’essais comparatif sur des laitières durant la saison 2017-2018.
Bien tassé
Orne Conseil Elevage, désormais appelé Elvup, a pour sa part conduit des essais en 2016-2017, en collaboration avec Claas. Ses conclusions: le Shredlage «est un réel atout pour l’éclatement des grains», d’où «une valorisation optimale de l’énergie contenue dans le maïs». Côté densité du silo, qui pourrait souffrir d’une coupe longue: «pas d’impact négatif (…) lorsque les conditions de tassage sont optimales.» Et pour la production laitière, Elvup a bien mesuré une différence en faveur du Shredlage: +1,16kg/jour sur 3jours de mesures. Il est toutefois difficile d’en tirer un avantage certain, les deux échantillons de vaches comparés étant légèrement différents en termes de stade de lactation et de parité.
Plus riche
Sur le plan digestibilité, Neovia a effectué des mesures sur un maïs récolté selon deux modes: 14mm avec éclateur classique et 24mm avec Shredlage. Le laboratoire a observé une différence, logique, de granulomérie: plus de particule grossières (effet coupe longue) et plus de particules très fines (effet éclateur). Il a déduit de ses mesures que «la technique Shredlage semble favoriser la rumination et semble plus riche nutritionnellement». Une première tendance qui reste à démontrer sur le terrain.
Moins de travail
Dans ce domaine, Eilyps a suivi douze éleveurs clients d’un entrepreneur d’Ille-et-Vilaine (Stéphane Couvert), utilisateur du Shredlage. Tous donnent la priorité au maïs et souhaitent simplifier la ration, notamment ne plus avoir à donner de la fibre. Il leur faut toutefois donner un fourrage d’équilibre au maïs coupe longue pour éviter l’acidose. Selon Anthony Baslé, le nutritionniste qui accompagne ce groupe, le premier intérêt que ces éleveurs ont trouvé est sanitaire, grâce à l’effet fibre de la coupe longue. Le second est une baisse du temps de travail, dans la mesure où ils suppriment l’apport de paille dans la ration.
Concernant la production, l’effet année est difficile à distinguer de l’effet Shredlage. Le maïs est globalement mieux valorisé, ce qui va dans le sens de l’autonomie de l’exploitation. Il faut toutefois plus de correcteur azoté et garder un peu de fourrage non acidogène. Un ensilage d’herbe jeune et riche en azote pourrait fournir une réponse sur les deux tableaux.
Une marche à franchir
Au terme de ce premier tour d’horizon, plusieurs constats s’imposent. Le Shredlage ou son équivalent «CLGP» coûte plus cher. Est-ce qu’on s’y retrouve avec : plus de lait? Plus de taux? Moins d’achat de paille? Moins de temps de travail?… Deuxième point: cette technique est taillée pour des rations à très forte proportion de maïs. Elle n’est donc pas faite pour tous et personne d’ailleurs n’en parle comme d’une panacée. Mais est-ce que le maïs plat unique correspond aux contraintes agronomiques de tous les éleveurs, quand on parle de plus de plus d’allonger les rotations et de diversifier les assolements?
Focus sur l’éclateur
Autre question: on peut se demander si on résoudrait déjà pas mal de problèmes d’éclatement des grains avec des éclateurs à rouleaux crantés en choisissant bien la denture, le différentiel de vitesse et la force de serrage. Il est clair que dans la nature, il y a des appareils mal réglés et Claas a le mérite de focaliser l’attention des éleveurs sur le sujet.
Enfin, une question «existentielle»: comment la cuma dont 1 ou 2 adhérents voudraient passer au Shredlage peut-elle réagir pour les garder? L’ETA pas encore équipée sera dans la même situation, pire encore puisqu’elle n’est pas lié à ses clients par un engagement comme l’est la cuma avec ses sociétaires.
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