En cinq minutes, la journée d’ensilage est passée. Le temps d’un film qui résume l’ensemble de ce jour stratégique de l’année d’un troupeau. C’est bien assez pour identifier les marges d’amélioration d’une équipe d’ensilage. Les bonnes pratiques de confection du silo sécurisent la qualité de la conservation. Or, certains travers, «nous les avons retrouvé sur des plusieurs chantiers que nous avons suivis. C’est par exemple l’absence de chauffeurs sur le silo», illustre Florine Hardy (Littoral Normand). Lors d’une journée de restitution Ecosil’Herbe cet hiver, elle présentait les enseignements de ce lot d’analyses réalisées à partir de vidéos ‘timelaps’.
Ecosil’Herbe: méthode d’analyse
De façon à capter ce qu’il se passe sur et autour du silo, «on positionne une petite caméra qui déclenche une photo toutes les deux ou trois secondes tout au long du chantier. Nous utilisons déjà ce procédé dans les stabulations. Il nous sert pour des diagnostics de bien-être animal. Là, nous l’appliquons aux chantiers d’ensilage», qu’il soit question de maïs ou d’herbe.
Si elle voit beaucoup, la caméra ne voit pas tout. «En complément, nous soumettons un questionnaire à l’éleveur.» Il précise le poids des tracteurs, le volume des remorques… Et c’est ainsi que la conseillère observe que, «souvent, quand l’éleveur pense qu’il y a deux chauffeurs sur le silo, on voit grâce aux images qu’il y en a un qui est absent la moitié voire les deux tiers du temps.» Or pendant qu’il balaye les auges ou paille ses génisses, les remorques continuent d’arriver.
Entre chaque remorque au moins 3 voyages pour étaler puis 10 à 12 manœuvres pour tasser
En somme, les images posent des chiffres implacables. Les experts situent entre 5 et 8 par heure, la fréquence idéale d’arrivée des remorques lors d’une récolte d’herbe. Bien sûr, cette référence varie selon «le nombre de matériel sur le silo, la dimension du chantier…»
La compilation d’images capte surtout la régularité de cette fréquence. Quand, sur un chantier calibré pour traiter huit déchargements par heure, le silo voit arriver un pic de 14 remorques par heure, «on sait que ce ne sera pas tassé à ce moment-là.» Sur le film, l’absence d’aller-retour pour tasser est flagrante. L’opérateur a juste le temps d’étaler le fourrage. Sous son passage, des sillons se creusent. «C’est un signe qui indique que l’ensilage n’est pas ou est mal tassé.» Ce genre de situation rappelle la devise de l’ensilage réussi: «C’est le tasseur qui mène la danse.» Autrement dit, il doit être capable de faire temporiser l’ensileuse si nécessaire.
Afin que l’herbe hachée s’étale en couches fines, «il faut éviter de monter les silos en pentes», poursuit Florine Hardy. En présence de murs, «on charge d’abord les côtés, avant la partie centrale. En effet, si le silo est convexe, le chauffeur ne pourra pas approcher les roues du mur.» En conséquence ils ne tassera pas les bords. Cela se traduira par de la perte accrue dans cette zone pour l’éleveur. «Idéalement, le côté de déchargement des remorques doit alterner.» Les images pointent clairement si le chantier respecte ou non ces bonnes méthodes. Idem si le chauffeur roule au-delà de la vitesse préconisée, soit entre 4 et 6km/h.
Décharge alternée
Avec ce résumé visuel, les conseillers observent aussi le nombre de mouvements du tracteur sur le silo entre chaque livraison. Pour étaler une remorque de 14 à 18t, Florine Hardy préconise 5 à 6 mouvements. «L’herbe a tendance à regonfler après le passage des roues. C’est d’autant plus important de repasser régulièrement.» Puis il faudra au minimum une dizaine, voire une douzaine de manœuvres pour un tassement satisfaisant. Certains éleveurs constaterons qu’à peine quelques remorques sur leur journée de récolte auront le droit à ce traitement optimal. Finalement que sont cinq minutes, face à l’espoir de décrocher, dès l’année suivante, la palme de la meilleure réalisation du chantier d’ensilage, avec toutes les retombées technico-économiques qu’elle engendre ?
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