L’ensileuse, plus large. Le service, plus complet. L’évolution continue de l’activité d’ensilage à la cuma de Condé-sur-Vire est révélatrice d’une tendance. Et le nombre de rangs que le bec de l’engin avale de front n’est donc pas le seul élément de l’allégorie. A l’avant de sa Claas Jaguar 970 actuelle, la coopérative en est à 10 rangs. C’est déjà le deuxième de ce format. Jamais deux sans trois ? Ou plutôt 10 rangs, bientôt 12 ? Réponse finale au prochain renouvellement. « Déjà la dernière fois, la question de passer à un bec 12 rangs avait été à l’ordre du jour », se souvient l’ancien vice-président Frédéric Richard (devenu président depuis).
Accroître encore la cadence du flux qui arrive aux silos n’aurait pas été un souci selon lui. « Il y a déjà plusieurs élevages où le tassement se fait à trois. » Mais entre la rallonge sur le montant d’investissement et la puissance supérieure mise en œuvre en passant à un moteur V12, « il y aurait effectivement eu une augmentation du coût de notre ensileuse de l’ordre de 10 à 15€/h. » La décision du groupe avait été de renoncer aux deux rangs supplémentaires.
A lire : Prix des ensileuses neuves : +60% entre 2000 et 2020 !
Ensilage à la cuma de Condé-sur-Vire : 1 ensileuse pour 1 000 ha
Des modèles pareils, « nous ne devons pas en avoir d’autres dans les cuma du département », évalue Jonathan Godey, animateur du réseau cuma dans la Manche. Dans les investissements récents réalisés par les groupes du département, ce sont plutôt des puissances maximales proches des 600 ch qui ont le vent en poupe. L’automoteur de Condé, quasiment 800ch sous le capot, fait donc déjà office de mastodonte.
Et face à lui, les éleveurs mettent une surface annuelle de maïs fourrager proche du millier d’hectares, tout juste inférieure à la surface réalisée en herbe. Il en découle un planning serré pour l’ensileuse « qui n’a pas le droit de tomber en panne. » La rançon du succès dans une cuma où le service complet a un ancrage historique.
Cinq salariés disponibles
L’équipe de cinq salariés a en effet l’habitude d’intervenir sur différents types de chantiers. A l’ensilage, Thierry Paimblanc mène l’automoteur. Un, voire deux, de ses collègues tassent à l’autre bout du chantier. Un seul adhérent ne prend aucun tracteur de la cuma pour ériger son tas, « la moitié prend un tracteur et le chauffeur, l’autre moitié en prend deux », détaille Frédéric Richard. Il reste donc potentiellement deux chauffeurs pour participer au transport. En tout cas, la cuma propose aussi le service, et il est prioritaire sur d’autres tâches telles que les semis qui démarrent quand approche le crépuscule de la récolte.
Une remorque de la cuma, deux jours de corvée gagnés
Ce service, Claude Jeanne le sollicite pour son chantier d’une trentaine d’hectares. Depuis toujours, il ensile avec la cuma. S’il en est venu à y prendre aussi du matériel de transport, c’est pour remplacer les voisins du groupe d’entraide désormais à la retraite. En regardant la remorque trois essieux sortir du champ pour gagner son silo, l’agriculteur analyse : « Une benne comme ça remplace deux ensembles », donc deux chauffeurs. Le gain est d’autant plus appréciable que l’éleveur laitier travaille seul sur sa ferme. « Rendre les jours de corvée, c’est compliqué », ça appelle du service de remplacement. Quant à investir lui-même dans une telle remorque, « il faudrait 25 ans pour l’amortir. » A un an de la retraite, on comprendra qu’il ne s’y voyait pas.
Ensilage à la cuma de Condé-sur-Vire : 165 € l’hectare ensilé, transporté, tassé
« Nous voulons du matériel performant. » La remorque est arrivée il y a deux ans, à peu près en même temps que l’ensileuse actuelle. Elle réalise une activité annuelle de 150h, presque aux trois quarts du temps lors des ensilages, en progression et conforme aux prévisions. Elle confirme le propos du président lorsqu’il analyse l’évolution historique ayant conduit à s’équiper ainsi. Dans cette région de France presque totalement dédiée au lait, « la tradition d’entraide pour l’ensilage est forte. Mais les exploitations grandissent et on cherche à rationnaliser le nombre de chauffeurs quand il y a des départs en retraite », confirme Frédéric. En effet, quand un nouvel adhérent sollicite une benne de la cuma, c’est souvent que quelqu’un de son groupe est parti et c’est toujours en complément du reste de la flotte.
Trois chauffeurs mobilisés
La cuma facture son véhicule 24t, avec un chauffeur, le tracteur et le carburant, à 63€/h, et pour la plus petite, c’est environ 50€. De son côté, Claude évalue rapidement que la facture totale de cuma sera de l’ordre de 5000€ pour sa journée, soit aux alentours de 165€/ha ensilé, pour trois chauffeurs, une ensileuse, deux tracteurs (150ch avec chargeur et 195ch) et deux remorques (24 t et 13 t). Sur un chantier dans un parcellaire plus favorable où le débit atteindra son standard des 4ha/h, un adhérent qui aura cette fois mobilisé toutes les options du service de la cuma de Condé s’en tirera pour un niveau de coût unitaire assez proche.
En complément :
Notre dossier Rayons X Ensilage,