GNR : l’arrêt de la détaxation se profile
80 % d’exploitations produisant de l’énergie, solaire et méthanisation en tête. Plus d’un tracteur sur 2 fonctionnant au bioGNV, les petits à l’électricité et les plus gros au GNR ou rétrofités au B100 (biodiesel 100 % végétal). Voici le scénario préféré du législateur, a expliqué lors de l’AG de la Fédération régionale des cuma de Nouvelle-Aquitaine Mehdi Miftah, chargé de mission Energie au sein de la Fédération nationale des cuma.
Il s’est basé pour dresser ce panorama sur un rapport du CGAAER, titré : « Décarboner 100 % de l’énergie utilisée en agriculture horizon 2050: c’est possible« , publié fin 2022, et passé relativement inaperçu… sauf du côté du gouvernement : une bonne partie des propositions relatives au scénario le plus poussé, baptisé « les énergiculteurs », ont été reprises « mot pour mot » dans le projet de loi de finances. Notamment celle de l’arrêt de la détaxation du GNR d’ici à 10 ans, compensée par une aide aux investissements.
Parmi les autres propositions qui devraient se matérialiser à court terme : le développement de l’offre GNV et le rétrofit pour le biodiesel B100, avec les constructeurs. Le déploiement de stations bioGNV en zones rurales. L’assouplissement des règles pour le photovoltaïque à petite échelle et l’autoconsommation. Font encore l’objet de débats la définition d’un écorégime « neutralité carbone » dans la future PAC. Et d’éventuels assouplissements réglementaires pour la distribution de bioGNV par de petits méthaniseurs (avec retrait de la TICGN).
Nouvelle-Aquitaine : méthanisation, vigilance sur la cohérence des projets
Deux points de vigilance relatifs à la méthanisation ont été soulevés par les participants lors de la table ronde organisée par la Frcuma Nouvelle-Aquitaine était dédiée à la production d’énergie.
En premier lieu, la solidité et la cohérence du plan d’approvisionnement du méthaniseur. Un point qui explique, au-delà des échecs techniques, les soucis que peuvent rencontrer certains porteurs de projets. Mais aussi l’acceptabilité locale, fortement liée à la taille du projet, et aux trajets des camions (auxquels on peut substituer des véhicules agricoles, soulevant moins de réticences). Tels sont les facteurs-clés, ont expliqué les deux éleveurs témoins, porteurs d’unités photovoltaïques et de méthanisation en fonctionnement.
Pascal Vincent (élu référent « méthanisation » du réseau cuma)
Naisseur engraisseur de Limousines dans le sud de Limoges, travaille dans un groupe de trois exploitations familiales. Il se lance précocement dans le photovoltaïque, avec des tarifs de rachat garantis élevés. Le photovoltaïque a permis de réaménager ses étables, améliorant les conditions de vie des animaux, mais réduisant aussi la pénibilité et le temps de travail. Mis en route en 2016, le méthaniseur est alimenté à 70 % par des effluents d’élevage (mais aussi des déchets d’industries agroalimentaires, du lactosérum, des pommes et des cultures intermédiaires). Outre la consolidation des revenus, le méthaniseur lui a permis d’améliorer le retour au sol, pour « assumer quasiment à 100 % l’alimentation des plantes », tout en ayant davantage de bêtes sur la même surface.
Laurent Lambert (élu référent « méthanisation » à la Chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine)
Laitier et céréalier, souhaitait diversifier et consolider ses revenus. Il s’inscrit aussi dans une recherche d’autonomie (protéines via séchage de tourteaux, en engrais avec le digestat). Ceci pour ne plus dépendre des fluctuations des marchés. Le méthaniseur, mis en service en 2020, et le séchoir, ont parfaitement rempli ces objectifs. A condition « de revoir complètement les systèmes, » avec par exemple une couverture complète des sols (dont plus de la moitié retourne aux sols). « J’aurais dû le faire plus tôt ! » a-t-il conclu, avant de rappeler que « ce type de projet, très structurant, est aussi risqué », au vu des montants en jeu.
Côté entreprises, Antoine Malmezat, du Crédit agricole d’Aquitaine, a bien sûr rappelé l’attention que les financeurs prêtent à la rentabilité d’un projet de méthanisation, notamment liée à la distance de raccordement. Sur ce point, Gaël Grosjean (Total ENR, agence Nouvelle-Aquitaine) a indiqué que les Chambres d’agriculture travaillent à un projet de Gufa (Groupement d’utilisation de financements agricoles). Pour mutualiser les différences de coûts de raccordement. Enfin, Antoine Malmezat a souligné que « plus il y a d’intervenants [dans les projets de méthanisation], plus la valeur s’éloigne de l’agriculteur. »
Gironde : le projet VitiSolar sort de terre
D’abord la production viticole, et ensuite celle d’électricité solaire : les priorités sont nettement cadrées pour le démonstrateur Vitisolar. Cette unité, implantée sur le site de Villenave-d’Ornon de l’Inrae et de l’IFV, réunit un vaste un consortium de recherche auquel appartient la Frcuma Nouvelle-Aquitaine.
La centrale est opérationnelle depuis avril 2023, et a été inaugurée le 19 septembre 2023. L’objectif de cette unité constituée de panneaux orientables, implantée sur 2 000 m2 d’une vigne existante, est de « mesurer les impacts sur le continuum plante-sol-biodiversité. Mais aussi sur les qualités organoleptiques des vins, les impacts technico-économiques et sociétaux », a précisé Sara Benyakhlef, Chef de projet Nouvelles technologies solaires pour EDF renouvelables, lors de l’AG de la Frcuma Nouvelle-Aquitaine.
Et de construire à terme, une « solution agrivoltaïque adaptée à la vigne. Qui permettrait de combiner les besoins des plantes, la météo et la production énergétique, compatible avec les modes de production viticoles. Mais surtout, qui soit viable économiquement. »
Hauts-de-France : sans changement, des pertes de compétitivité
L’agroclimatologue Serge Zaka intervenait à l’AG des planteurs de betteraves du Nord Pas de Calais pour dresser des perspectives « long terme ». La clé de lecture qu’il propose repose sur deux temporalités. D’une part l’agrométéorologie « court terme », avec des phénomènes météo localisés, plus violents qui vont compliquer la stabilité de la production. Comme « l’effet sèche-cheveux » du vent d’Est ce printemps. Des phénomènes déjà en train d’augmenter en fréquence et en intensité.
Les solutions sont à trouver du côté des variétés. Comme des pratiques, des haies, ou de l’irrigation. Pour pouvoir se prémunir contre les phénomènes soudains qui surviendront localement et irrégulièrement (sécheresses, gel, vent, inondations…). Et sur le long terme, pour le nord de la France les scénarios du GIEC ou de Météo France font émerger une concentration des pluies l’hiver. Egalement un assèchement des sols sur la période printanière estivale. Si, niveau températures, il y a peu de risque pour la betterave ou la pomme de terre qui produisent toujours de la biomasse jusqu’à 30°C, l’accès à l’eau est par contre plus limitant, comme l’est la pression des ravageurs. Les pucerons ont par exemple gagné 20 % en nombre de générations dans l’année et en nombre d’espèces détectées.
Quid des céréales?
En céréales, jusqu’à présent, les années sèches sont dans le nord de la France plutôt synonymes de meilleurs rendements. Mais les irrégularités climatiques finiront par les faire baisser au global. Une tendance là encore déjà amorcée. La compétitivité des productions va diminuer, surtout par rapport à d’autres pays plus tempérés.
Les politiques publiques vont devoir aider à changer les cultures et les territoires pour s’adapter aux futurs marchés. Un travail sur le temps long, puisqu’implanter une nouvelle culture à grande échelle prend 10 à 15 ans.
En contre-exemple, Serge Zaka cite l’Espagne qui a construit beaucoup de réserves d’eau pour développer son agriculture. Mais ceci sans avoir adapté cultures ou pratiques, commence à voir ses réserves diminuer drastiquement et sa production globale inquiétée.
La betterave OK dans le Nord jusqu’en 2050
Concernant la betterave à sucre, elle est toujours adaptée au nord de la France jusqu’en 2050. Même si à cette période les années comme 2022 (8 périodes longues au-dessus de la moyenne) vont devenir la norme. Elle ne pourra pas être remplacée par la canne à sucre qui nécessite un climat tropical alors que ce sont les climats aquitain, pour la façade atlantique, et méditerranéen, pour l’intérieur des terres, qui vont remonter progressivement.