Améliorer la biodiversité sur ses parcelles, et travailler sur la qualité de l’eau, une partie de plaisir ? Il faut croire que le travail lancé par des viticulteurs de l‘Indication géographique protégée Côte de Thongue, dans l’Hérault, a réussi à résoudre cette équation difficile. Ils sont à l’initiative d’un outil d’amélioration de la biodiversité et de la qualité de l’eau, baptisé « Biodiv&Eau ».« Au départ, indique Carole Sainglas, du Conservatoire des Espaces Naturels (CEN) du Languedoc Roussillon, les viticulteurs se posaient des questions du type : ‘quels paysages pour favoriser la biodiversité ? ‘, ‘ Qu’est-ce qu’une bonne haie ?’ Ils ont alors sollicité le Conservatoire, collectivement, pour trouver des indicateurs simples, reproductibles sur ces questions, et s’affranchir des experts. »
Pourvoyeurs de solutions
« Nous sommes capables de proposer des solutions, et pas seulement là pour prendre des pressions d’en haut », résume Charles Duby, du Gaec de l’Arjolle à Pouzolles. Morgane Maîtrejean, qui coordonne aujourd’hui l’action en tant qu’animatrice agroenvironnementale du Syndicat des Côtes de Thongue, indique que la partie informatique est en train d’évoluer. Par ailleurs, « ce diagnostic va être adapté pour coller aux Mesure agro-environnementales (MAE). Cela devrait être opérationnel l’année prochaine », précise-t-elle.
Pas de contrainte
Concrètement, les viticulteurs intéressés suivent une courte formation pour remplir les fiches d’autodiagnostic de leurs « infrastructures agroécologiques » sur les abords de parcelles –là où se concentre 90% de la biodiversité- et se mettent d’accord avec l’animatrice sur les mots : qu’est-ce qu’une bande enherbée de bonne qualité ? Une haie ? Un fossé ? Chacun est ensuite « lâché » dans ses parcelles avec un support papier à remplir, qui demande environ 1,5 jour, en fractionné, pour 25ha. Un mois plus tard, une ou deux soirées sont consacrées à la saisie informatique sur un outil de cartographie simple, étape qui permet aussi d’ajouter les pratiques liées au travail sur la qualité de l’eau. Le CEN analyse les données saisies et renvoie son diagnostic, qui tient en trois préconisations : continuer, adapter sans coût supplémentaire ou bien adaptation nécessitant un investissement. « Rien n’est obligatoire », précise l’animatrice, et les partenaires, Conseil général et Agence de l’eau en tête, prennent en charge une grande partie des frais. De l’aveu de tous, la nouveauté réside dans l’approche : les viticulteurs apprécient de se sentir en position de partenaires écoutés, que les autres organisations prennent en considération les contraintes de leur outil de travail. Résultat ? Une quarantaine de viticulteurs se sont lancés sur 1100ha, soit 10% de la SAU de l’appellation. Sur le département, ils sont 80 et l’initiative essaime. Plus de 7,5km de haies ont été plantées avec des espèces choisies, 5,5ha de milieux ouverts et 5 mares ont été construites.
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Lionel Delsol, viticulteur à Alignan-du-Vent et président de la Cave Coopérative : « Cela ne complique pas mon travail »
« Ils n’arrivent pas en disant : ‘vous êtes des pollueurs’, mais plutôt : «’l’idéal serait de faire ça’. Après, chacun choisit de faire, ou pas, et à son rythme. Par exemple ils m’ont demandé de tondre mes bandes enherbées une fois au lieu de trois, si possible en octobre. En octobre, aux vendanges, c’est compliqué. Donc je le fais, mais le plus tard possible, en août. Je fais des économies, et au bout de 2 ans j’ai vu réapparaître des orchidées sauvages, l’année dernière une espèce de papillon. Ça ne complique pas mon travail et je vois mon environnement d’un autre œil. » (579s)
Caroline Vioche, viticultrice à Roujan : « Mon regard a changé »
J’ai beaucoup aimé l’approche : on a rencontré des écolos qui ont cherché à comprendre notre métier. Ils nous ont parlé de biodiversité en gardant à l’esprit notre outil productif. Dans cette démarche, il y a des bio, mais aussi des viticulteurs en Terra Vitis, en agriculture durable…. On fait tous attention : c’est aussi notre environnement de travail, on n’a pas envie de le ‘pourrir’. L’idée, c’est d’agir sur le pourtour, et que cela a ensuite une incidence dans nos parcelles. Nous avons des tournières et 1 rang sur deux, sur lesquels nous de désherbons plus, ni ne labourons. Nous avons planté des haies, posé des cabanes à chauve-souris. En août nous allons faire une mare rouvrir des terrasses envahies de genêts pour recréer différentes strates de végétations. Mon regard a changé : là où je voyais une friche triste, je vois maintenant plein d’insectes qui vont nourrir des oiseaux. Et des parcelles 100% désherbées, grillées, ça me fait mal au cœur. ».
Charles Duby, Domaine de l’Arjolle à Pouzolles: « L’intérêt, c’est l’entretien du paysage et l’économie »
Nous avons planté 1,5km de haies sur nos 100ha et ouvert 1,15ha de milieux. Une bonne partie des coûts a été prise en charge par le Conseil général de l’Hérault. Le plus gros du travail, finalement c’est l’entretien… et c’est loin d’être inaccessible. L’intérêt, c’est l’entretien du paysage et l’économie : on diminue les fauches et le gyrobroyage à 1 à 2 fois par an, surtout quand les enherbements prennent de l’âge. On le fait pour créer des paysages pour l’avenir, et pour le tourisme.»