« Le marché des produits laitiers s’est assaini au cours des derniers mois, les excédents de poudre de lait écrémé au sein de l’union européenne ont pratiquement disparu, tandis que la production laitière en Europe diminue régulièrement depuis le mois d’août », relève Benoît Rouyer, économiste au Cniel (interprofession laitière française) dans une note.
La filière laitière française revient de loin. En 2015, la fin des quotas laitiers européens et la hausse de la production font s’effondrer les cours mondiaux du lait et les éleveurs sont dans la rue. En 2016, ils ne manifestent plus mais ce n’est pas pour autant un bon signe selon les connaisseurs du secteur: c’est qu’ils n’en ont plus les moyens.
Des « laits équitables » qui garantissent une juste rémunération aux producteurs sont alors lancés et connaissent des succès populaires comme la marque « C’est qui le patron? » ou « Les éleveurs vous disent Merci ». Un projet élaboré entre Intermarché et un peu moins de 200 éleveurs partenaires de la laiterie Saint-Père d’Agromousquetaires qui en, un an, a permis de vendre près de 20 millions de litres de lait.
La guerre des prix en 2017
En 2017, lors d’un discours à Rungis, Emmanuel Macron s’engage à lutter contre les effets de la guerre des prix entre distributeurs qui plonge l’amont de la filière, en particulier les producteurs, dans la déprime.
Les ateliers des Etats généraux durent des mois et accouchent d’une loi promulguée en octobre 2018. A temps pour s’appliquer aux négociations commerciales entre l’industrie agroalimentaire et la grande distribution.
Depuis, les accords se sont multipliés entre la grande distribution et les industriels laitiers, ou les coopératives, dans le but déclaré de mieux rémunérer les éleveurs. Lactalis signe avec Carrefour et Super U, Danone avec Leclerc et Sodiaal avec Lidl… Intermarché signe également un contrat tripartite avec les fromageries Bel et l’association des producteurs de lait Bel Ouest (APBO).
« Avec la loi alimentation, on peut dégager quelques centimes supplémentaires sur le coca qui permettent d’aider les producteurs », explique Thierry Cotillard, le président d’Intermarché.
Ces accords semblent accréditer le fait que les négociations se passent bien pour le lait et le ministre de l’Agriculture cite même la filière en exemple.
Engranger des euros
« Il y a toujours des parts de communication là dedans mais on voit qu’on arrive à engranger des euros quand on signe des contrats avec les distributeurs, donc c’est plutôt une bonne chose. C’est bien qu’on communique là dessus parce que ça a un effet d’entraînement global », explique, à l’AFP, Olivier Gaffet, vice-président de Sodiaal.
La fédération des producteurs laitiers (FNPL) souligne pour sa part le manque de transparence de ces accords. « On ne sait, ni sur quelles bases, ni sur quels volumes portent ces accords », indique Marie-Thérèse Bonneau, vice-présidente de la FNPL, lors du salon de l’agriculture. De plus, ils ne concernent que les marques, alors que 60% de la production des éleveurs pour la France va vers les premiers prix et les marques de distributeurs, selon elle.
Coop de France Lait souligne également « la meilleure valorisation d’une partie du lait constatée dans les premières signatures avec la distribution » qui constitue une « première étape », mais « doit se confirmer et s’inscrire dans la durée ».
Car si la production venait à monter de nouveau et les prix à baisser, les accords seraient-ils reconduits? Pour Lucien Bourgeois, économiste et membre de l’académie d’agriculture, « cette année, les distributeurs sont d’autant plus sages que ce n’est pas possible de trouver ailleurs la marchandise ». Car, avec la canicule, l’année 2018 se termine au même niveau qu’en 2017, et la situation est identique en Allemagne. Les distributeurs ont donc intérêt à assurer leur approvisionnement en France. « La sécheresse de l’été 2018 a probablement évité une nouvelle crise grave dans le secteur laitier », assure-t-il.