En écho à la spécialisation des exploitations, la complémentarité entre éleveurs et céréaliers n’est pas une idée neuve. L’écueil principal restant la contractualisation.
Pourtant, des initiatives continuent à se monter, liées à des préoccupations de qualité ou de traçabilité : ici des éleveurs anticipant une IGP avec des céréaliers, là un agriculteur concerné par l’alimentation de ses bêtes ou animé par l’envie de « faire » local… Fabrice Llabour, qui élève ovins et bovins depuis une dizaine d’années dans le secteur de Vallespir (commune de St-Marsal dans les Pyrénées-Orientales), va récupérer de la paille chez des céréaliers, près d’Argelès-sur-Mer.
Le groupe envisage de créer une cuma dans le courant du printemps. «Depuis mon installation, je faisais ma paille chez eux (une trentaine de tonnes pour son troupeau, ndlr). Le reste, ils le broyaient.»
Complémentarité éleveurs/céréaliers
Outre l’approvisionnement pour son troupeau, germe l’idée de vendre cette paille. Des 20 ha récoltés ou pressés, le groupe est passé à 500 ha, pour une production de 1.300 tonnes de paille. Jusqu’à présent, travail et produits de la vente étaient répartis entre les céréaliers qui fournissent la paille et le matériel, et Fabrice qui fournit le travail.
Le groupe va devoir trouver une nouvelle clé de répartition avec le démarrage de la cuma, sans faire monter le prix. «La paille espagnole est vendue entre 55 et 60€ la tonne, rendue à la ferme. Pour nous, à moins de 60€ ce n’est pas rentable», précise Fabrice.
L’intérêt de la paille pour les clients ? La qualité. «Les différents types de paille que nous produisons – blé, orge, pois – permettent à l’éleveur non seulement de l’utiliser pour la litière mais aussi pour l’alimentation. C’est du travail de qualité, et traçable. La cuma va nous permettre de pouvoir travailler avec du matériel neuf. Je m’y retrouve aussi au niveau de l’ambiance du bâtiment des troupeaux, des aspects sanitaires et alimentaires», précise encore Fabrice.
Il y a deux ans, lors de la sécheresse, le groupe n’a pas augmenté ses tarifs. Un calcul payant : les clients sont revenus. Fabrice Llabour et ses associés envisagent maintenant de reconquérir l’usage de friches locales à travers cette activité.
Hors-sol par défaut Stéphane David de l’Earl des Chaumes à Couhé (Vienne), détient 400 chèvres alpines. Il s’est installé en 1999 avec son épouse. En l’absence de foncier disponible, il s’est lancé «horssol». L’exploitation est donc dépendante à 100 % de l’extérieur pour l’achat d’aliments. C’est la coopérative Alicoop qui pourvoit à l’alimentation de son cheptel sous forme de livraisons de bouchons intégrant notamment, en plus du soja non OGM, de la luzerne déshydratée récoltée localement puis reconditionnée par l’usine de fabrication d’aliment du bétail. Il complète ce menu avec un apport de paille dans le cadre d’un échange paille-fumier, conclu avec un céréalier voisin. L’éleveur n’a donc aucune prise sur la variation des coûts alimentaires. Cette situation l’incite à optimiser ses performances technico-économiques. Il se concentre essentiellement sur le suivi de l’atelier de caprins en l’absence de travaux des champs. Son bon niveau de production laitière atteste de la technicité des éleveurs : 1.136 litres par an pour un TB moyen de 34,7 et un TP de 31,9. L’accès au foncier devient carrément discriminant à l’égard des jeunes candidats à l’installation hors-cadre familial. La production caprine ouvre encore quelques possibilités de devenir agriculteur pour des jeunes motivés et compétents qui, à défaut de cultiver la terre, pourront néanmoins apprivoiser le métier d’éleveur. |