Pascal Jamois est éleveur laitier à Ossé (35). Depuis 1998, il conduit son troupeau en bio. Sur ses 77 ha de SAU, 10 ha sont consacrés au maïs, 10 aux céréales et le reste est en herbe. Ses stocks en fourrage sont parfois justes alors que sa laiterie lui propose de produire plus.
«L’an dernier, à cause de l’automne sec, j’ai acheté du foin en Vendée, par une petite annonce, se souvient l’éleveur. En bio, je n’en ai pas trouvé plus près. Il était de tellement mauvaise qualité, que les vaches le boudent.»
Dans une région où le foncier est rare, l’éleveur voulait trouver une solution durable pour s’approvisionner en fourrages de qualité. Lors des réunions de son Ceta bio, Pascal Jamois voit bien qu’il n’est pas le seul dans ce cas.
De son côté, à Chateaugiron, à 3 km de l’exploitation de Pascal Jamois, Karim Elouali vient de s’installer sur les 146 ha de la ferme familiale, qu’il a reconvertis en bio. Le jeune agriculteur n’a que des cultures céréalières. Il sait bien que pour réussir en bio, il lui faut de longues rotations et veiller à la matière organique de ses champs. L’idéal serait d’arriver à une rotation de 6 à 7 ans, avec 3 à 4 ans de prairies.
Il a quelques débouchés pour de la luzerne, mais cela ne représente pas assez de surface. L’idée de travailler ensemble naît dans l’esprit de Pascal Jamois et de deux collègues, Jean-Marc Restif, de Domagné, et Vincent Mellet, de Piré-sur-Seiche. Le travail en commun est possible car leurs quatre communes sont dans un périmètre d’une dizaine de kilomètres et qu’ils partagent la même vision des itinéraires culturaux.
Engagement réciproque
Par un contrat de 4 ans, les trois éleveurs s’engagent à acheter le fourrage que le céréalier produit, en respectant le cahier des charges bio. «Nous nous engageons, de part et d’autre, sur la quantité et la qualité, explique Pascal Jamois. Avec 4 coupes par an, notre objectif est d’avoir 8 à 10 tonnes de MS/ha.» Les prix ont été fixés à 50 euros la tonne de MS pour l’avoine, sous laquelle est implantée la prairie, et 75 euros pour l’herbe.
«On s’est inspiré des tarifs que pratique la coopérative de déshydratation des fourrages.» A chaque récolte, le taux de matière sèche est analysé et les remorques sont pesées. Les quatre agriculteurs se sont mis d’accord sur les itinéraires et les mélanges (1) à implanter. Karim Elouali fait l’implantation des parcelles et leur suivi, les trois éleveurs se chargent de la récolte.
Question chantier, ça dépote.
Les cultures fourragères sont implantées sur un îlot de 34 ha. «C’est un chantier efficace qui permet de remplir le silo en une fois. On travaille à 6 ha de l’heure», apprécie Pascal Jamois.
Cette année, une partie de l’avoine a été ensilée, le restant fané, pour l’équivalent de 5 tonnes de MS. Deux coupes d’herbe suivront. Même s’il n’a pas encore beaucoup de recul, Pascal Jamois est satisfait de ce travail en commun. «Entre ce fourrage en plus et les betteraves que je viens d’implanter, je vais élever le niveau de ma ration et arrêter d’acheter du correcteur.»
Pour le céréalier aussi, le contrat est gagnant. En rallongeant ses rotations, il maîtrise mieux le salissement de ses parcelles et bénéficie d’un arrière-effet sur les céréales qui suivent la prairie. Pour l’instant, Karim Elouali a suffisamment de fumier et lisier mais, quand ses contrats de fourniture arriveront à échéance, le petit groupe veut aller plus loin en apportant les matières organiques des troupeaux sur les parcelles où sont produits leurs fourrages.
(1) Prairies fauchées, composées de ray grass, fétuque, fléole, dactyle, luzerne, trèfle violet et hybride. L’éleveur y gagne en autonomie alimentaire, le céréalier en qualité des rotations.