Electricité : des tanks à lait bientôt autonomes ?

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Electricité : des tanks à lait bientôt autonomes ?

De la récupération de calories est possible lors du refroidissement du lait puis de son maintien à basse température. Un tank innovant qui cumule les économies vise un réduction de 80 % du besoin en électricité.

Par le biais des pré-refroidisseurs de lait et récupérateurs de chaleur installés autour des tanks des élevages laitiers, des millions de kilowattheures ont déjà été économisés ces dernières années. Et la technologie est désormais disponible pour aller beaucoup plus loin.

Chaque année, la ferme France refroidit quelque 23 milliards de litres de lait produits par les élevages bovins. Les tanks à lait utilisés pour cette fonction représentent plus de 40 % de la consommation électrique des blocs de traite, qui concentrent eux-mêmes les principaux besoins en électricité des fermes laitières. Pour limiter la consommation du tank, de nombreux éleveurs ont déjà installé un pré-refroidisseur en amont. Il s’agit d’un échangeur thermique (à plaques ou tubulaire) où se croisent les circuits du lait chaud et de l’eau froide. Suite à l’échange de calories entre les deux fluides, la température du lait descend entre 17 et 23°C tandis que l’eau est tiédie entre 18 et 22°C. La consommation électrique du tank (18 à 22 wattheures par litre de lait en moyenne) est ainsi réduite de 35 à 45 %(1). L’eau utilisée (1,5 à 2,5 litres/litre de lait) est en général destinée à l’abreuvement des vaches.L’investissement dans un pré-refroidiseur est estimée à 5 000 € au minimum avec un retour sur investissement variable selon le tarif d’achat de l’électricité, le volume de lait produit et les éventuelles subventions. Cet équipement peut notamment faire l’objet d’un certificat d’économie d’énergie (CEE) : il s’agit d’aides proposées par les fournisseurs d’énergie (sur obligation des pouvoirs publics) aux consommateurs investissant dans des dispositifs d’économie d’énergie. Ainsi, depuis 2018, près de 35 millions de kWh(2) ont été économisés via les pré-refroidisseurs de lait ayant bénéficié de CEE (les aides représentent environ 3,5 % de l’investissement). La grande majorité des nouvelles installations intègre aujourd’hui un pré-refroidisseur et l’Ademe vise 100 % d’équipement à l’horizon 2035.

Renouvellement du tank tous les 15 à 20 ans

Un autre équipement fait l’objet de CEE : il s’agit du récupérateur de chaleur. Cet équipement (à plaques, avec serpentin ou intégré à la paroi) installé entre le compresseur et le condenseur du tank à lait, permet de récupérer les calories cédées par le lait au fluide frigorigène. Plutôt que d’être évacuées dans l’air via les condenseurs du tank, elles sont transmises à un circuit d’eau. Le préchauffage de l’eau jusqu’à plus de 50°C permet d’économiser de l’énergie au niveau du chauffe-eau de la laiterie, notamment utile au nettoyage de l’installation.

panneaux solaires

Combinés à des solutions d’autoproduction d’énergie telles que le chauffe-eau solaire, les systèmes frigorifiques économes ouvrent la voie de l’autonomie énergétique des élevages.

Cette économie peut atteindre 60 à 80 % de la consommation du chauffe-eau, soit 72 à 96 kWh par vache et par an (ou 12,5 kWh pour mille litres de lait) pour une consommation moyenne estimée à 120 kWh/vache/an. L’investissement dans un récupérateur de chaleur est estimé entre 2 000 et 4 000 € avec un retour sur investissement variable en fonction de la taille de l’élevage et du tarif d’achat de l’électricité. Toutefois, le surcoût d’un tank équipé d’un récupérateur de chaleur est à la charge du propriétaire du tank (en général l’entreprise collectant le lait) tandis que les économies d’énergie sont au bénéfice de l’éleveur.

C’est le principal frein au développement de cet équipement, sachant qu’un tank est renouvelé tous les 15 à 20 ans. Ainsi, l’Ademe vise 50 % d’équipement à l’horizon 2035 via le renouvellement des tanks qui intégreront directement cette fonctionnalité. Depuis 2018, les récupérateurs de chaleur pour lesquels des CEE ont été délivrés ont déjà généré l’économie de 12 millions de kWh2 (les aides représentent environ 5,5 % de l’investissement).

Au moins 80 % d’électricité économisée

Il est important de souligner que le récupérateur de chaleur ne concurrence pas l’efficacité du pré-refroidisseur. Les expérimentations conduites à la ferme de Derval en Loire-Atlantique ont montré que, lorsqu’ils sont combinés, les deux matériels continuent à fonctionner à leur optimum avec 45 % d’économie sur la consommation du tank et 60 % sur celle du chauffe-eau.

Le tank à lait Opticool conçu par Serap Industries et primé au concours de l’innovation du salon Space en 2021 intègre d’ailleurs à la fois le pré-refroidissement du lait et la récupération de chaleur. L’objectif avec ce type de matériels est d’économiser au moins 80 % de l’électricité prélevée sur le réseau, et, en associant des solutions d’autoproduction d’énergie (chauffe-eau solaire, électricité photovoltaïque), d’ouvrir la voie à des exploitations laitières autonomes en énergie.

Des perspectives

Plus d’une trentaine d’exemplaires ont déjà été vendus. L’Ademe vise un taux d’équipement de 25 % en 2035 et 60 % en 2050. Sachant qu’avec 100 % des exploitations laitières équipées, la réduction de consommation électrique est estimée à 755 GWh/an. Cela équivaudrait à environ 13 % de la production annuelle d’un réacteur nucléaire ou à la consommation de 52 000 foyers. En même temps, ce serait une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 6 000 tonnes de CO2 par an.

(1) Les chiffres utilisés ici sont issus du rapport Agriculture et efficacité énergétique de février 2019 coordonné par l’Ademe.

(2) kilowattheures économisés ‘‘cumulés et actualisés’’ dits ‘‘cumac  ».

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