Lors de ses deux premières candidatures à l’élection présidentielle américaine, « Donald Trump avait reçu le soutien massif des agriculteurs votants », chef économiste à Chambres d’agriculture France. Le deuxième succès électoral acquis, Trump ne s’est pas trompé dans sa campagne quant aux messages envoyés aux habitants des zones rurales, qui gardent globalement un souvenir positif des « années Trump », premier mandat (20216 – 202). Pour compenser la guerre commerciale qui avait fermé les portes de la Chine à leurs exportations de maïs, de viande porcine et de produis laitiers notamment, « Donald Trump leur avait versé des aides colossales, qui se sont ajoutées aux soutiens déjà prévus par le Farm Bill, la loi agricole américaine, qui est déjà en réalité un plan quinquennal de soutien à l’agriculture, » souligne Thierry Pouch. Retour sur les conséquences des élections américaines sur l’agriculture.
Un électorat pivot
Plus de 60 milliards d’euros leur avaient été versés, dont plus de 90% étaient des aides couplées à la production. Avec malgré tout des débats : les fermes de grande taille et le sud du pays auraient davantage bénéficié de ces compensations. Mais, cet énorme geste, allié à des taux d’intérêt contenus, une posture de défense des intérêts américains face à l’étranger, ses actes et promesses de dérégulations environnementales, lui ont globalement acquis cet électorat pivot. Il a rejoué ces cartes lors de sa dernière campagne, en mettant aussi l’accent sur la lutte contre les prix élevés, énergie en tête. Des arguments qui ont fait mouche, face à Kamala Harris peu diserte sur les inquiétudes du monde rural.
La question qui agite désormais l’entourage de Trump est la suivante : l’administration Trump va-t-elle établir immédiatement des barrières douanières aux importations, pour favoriser sa propre industrie, ou bien, privilégiera-t-elle la négociation (même agressive), avec la Chine ?
Alexandre Willekens, d’Agritel, apporte un éclairage intéressant sur ces questions : « Lors des premières phases de tension entre les États-Unis et la Chine, la guerre commerciale arrangeait les deux : les États-Unis avaient peu de soja à exporter et la Chine, qui faisait face à une épidémie de peste porcine, devait de toute façon réduire ses approvisionnements. »
Aujourd’hui le contexte est différent : « Les États-Unis viennent de terminer une récolte de soja exceptionnelle et ils doivent l’écouler. Ça semblerait dommage de se priver d’un tel débouché », explique-t-il.
Élections américaines et agriculture : des barrières douanières en vue ?
Pour l’Europe, c’est globalement plié : « Au-delà de ces aspects techniques, tarifaires, les déclarations de Trump pendant la campagne, c’était qu’il allait régler son compte à l’UE », résume Thierry Pouch. « D’autant plus que les Etats-Unis ont depuis longtemps une balance commerciale agroalimentaire déficitaire avec l’UE. Et que, depuis 4 ans, le solde de leurs échanges en produits agricoles et alimentaires est devenu déficitaire avec le monde », analyse-t-il.
« Les secteurs agricoles français qui exportent aux États-Unis, majoritairement la viticulture -dont le Cognac- et les fruits et légumes transformés, s’attendent bien sûr à des mesures de rétorsion telles que l’augmentation des tarifs douaniers américains. » Des mesures d’autant plus dévastatrices que les consommateurs américains, tout comme européens, ont fait de l’inflation l’un des moteurs de leurs décisions quotidiennes et de leurs votes. « La France reste une puissance agricole exportatrice », rappelle Thierry Pouch, « qui a d’autres marchés que les États-Unis ». Ceux qui exportent vont devoir remonter à cheval… mais a priori pas forcément à la conquête de l’Ouest.
Des soutiens qui pourraient s’amplifier
La loi agricole, ou « Farm Act », est votée par le Congrès américain tous les 5 ans. Elle devait être votée en septembre 2023, mais « avec des équilibres budgétaires difficiles à trouver », a été repoussée, explique Thierry Pouch.
Le budget consacré à l’agriculture, qui atteint un peu moins de 500 milliards de dollars pour 5 ans, est en moyenne consommé à 75 % par le programme d’aide alimentaire qui bénéficie aux populations américaines les plus défavorisées. Les Républicains, désormais aux commandes des grandes institutions américaines, sont favorables à un rééquilibrage de la distribution de cette enveloppe vers les agriculteurs.
Qu’il s’agisse de ce très fort soutien à leurs agriculteurs, ou des barrières douanières, les autres pays pourront toujours se plaindre à l’Organisation mondiale du commerce : « l’organe de règlement des différends de l’OMC a toutefois été bloqué sous la dernière présidence de Trump, et n’est toujours pas opérationnel », rétorque M. Pouch. « Et Trump avait de toute façon menacé de retirer les États-Unis de l’OMC. »
Élections américaines et agriculture : pourquoi ce sujet ?
Les agriculteurs et viticulteurs français avaient souffert lors de premier mandat de Donald Trump, conflit qui portait aussi sur l’aéronautique avec le duel Boeing-Airbus. Il avait, par mesure de rétorsion, imposé aux produits alimentaires importés des taxes « punitives » de +25 %. L’objectif : faire pression sur l’Europe.
Des filières entières qui ont donc retenu leur souffle lors du dépouillement des votes des dernières élections présidentielles américaines. Le suspense, cette fois, n’a pas duré longtemps.
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