Dans ce village situé en haut des Monts du Forez, la cuma de Jeansagnière a expérimenté une technique intéressante pour renouveler son conseil d’administration. Issue des théories des « prises de décision distribuées » (aussi appelé sociocratie ou holacratie), l’élection sans candidat s’est révélée très efficace. Retour sur l’élection sans candidat en cuma.
Un cadre essentiel pour une élection sans candidat en cuma
« Notre ancien trésorier, Pierre-Yves Méchin, a pris sa retraite cette année », explique Michel Barou, qui a pris le relais pour le remplacer. « C’était l’animateur, le cadre le plus essentiel de la cuma« , souligne-t-il.
« Cela faisait trois ou quatre ans qu’il avait mis cette problématique à l’agenda collectif. Nous avons estimé que ce n’était pas à lui de bosser sur la suite, en termes de fonctionnement de la cuma. Mais nous manquions de visibilité », note-t-il.
« Je suis dans le dernier quart de ma carrière. J’ai appris que, quelle que soit la situation, la meilleure solution est de se tourner vers des personnes compétentes sur la question que l’on pose. J’ai appelé Clémence Rauze, l’animatrice de la fédération des cuma qui nous suit. Elle m’a proposé cet outil de l’élection sans candidat. »
Une méthode en deux étapes
L’élection sans candidat est un mode de prise de décisions collectif. Elle permet à tous les participants d’exprimer leur choix et leurs raisons. Mais aussi d’écouter et d’intégrer ceux des autres. En ce sens, cette élection engage les participants. Enfin, ce mode de décision légitime la personne choisie dans sa fonction. Y compris auprès d’elle-même.
L’animatrice a choisi de simplifier la méthode en deux grandes étapes. « Dans un premier temps, relate Michel Barou, Clémence nous a fait définir le profil des compétences et des qualités requises pour chaque poste du bureau. Mais aussi ce que ces fonctions imposent en termes de charge de travail et de méthode. »
« Ensuite, elle a demandé que chacun décrive les qualités et les potentiels des autres participants. Bien sûr, ça fait du bien à l’ego », dit en souriant Michel Barou, « mais cela nous a aussi permis de mettre une personne en face de chaque besoin de la cuma. »
« C’est assez puissant, et cela peut déclencher des émotions fortes », prévient-il. « La vérité, c’est que nous montons en compétence tout au long de notre parcours. Si on ne les a pas, nous sommes toutes et tous assez adaptables pour les acquérir au fur et à mesure. »
« J’étais président à l’époque. J’ai choisi, dans la foulée de cette élection sans candidat, de devenir trésorier, avec l’appui de mes collègues. J’ai pris cette responsabilité parce que c’est la plus lourde, et que je souhaitais ‘amorcer la pompe’. Le reste a suivi de manière très limpide. Nous avons désormais un président et un vice-président de respectivement 22 et 23 ans. Et au-delà du conseil d’administration, nous avons un bureau impliqué, actif, dynamique. »
« Dans notre secteur, les jeunes ont conscience de l’importance de la cuma. Je pense que c’est le fruit du travail des animateurs des fédérations de cuma, qui interviennent désormais dans les écoles. Cela facilite l’engagement et la prise de décision dans les cuma, » souligne Michel Barou.
Élection sans candidat cuma : à faire / à ne pas faire
- À faire : utiliser l’élection sans candidat pour quelques rôles importants dans la cuma. Certaines décisions ne se prêtent pas à cette méthode. Après la définition des rôles et les descriptions des qualités des uns et des autres pour faire « matcher » les profils, il peut être intéressant d’ajouter une troisième étape. Qui consisterait à s’assurer que chacun est bien d’accord et n’a pas d’objection.
- À ne pas faire : l’élection sans candidat est plus compliquée à mettre en œuvre dans les grands groupes (plus de 10 personnes).
Le contexte
Le groupe de la cuma de Jeansagnière n’en est pas à sa première expérimentation. Il s’est créé autour de 2005, lorsqu’il décide de lancer un groupe tracteur.
Initialement adhérents à la cuma voisine de Chalmazel, les porteurs du projet décident de créer cette section ‘traction’ au sein de la cuma voisine de Jeansagnière. « Le groupe à la cuma de Chalmazel n’était pas prêt à partager un tracteur », résume Michel Barou.
Depuis, les investissements se sont succédé. Après la traction, le groupe a investi dans la fenaison en commun, avec l’acquisition de trois presses et de deux andaineurs. Les relations avec la cuma voisine sont bonnes. « Nous travaillons en collaboration, pour ne pas être en concurrence sur les investissements. Nous envisageons même de fusionner à l’avenir, moyennant un travail de mise à plat des parts sociales, des reliquats », indique Michel Barou. La cuma compte 33 adhérents pour un chiffre d’affaires de 33 000 € en 2023, avec une progression annuelle de 16 %. Le nouveau président, Emilien Baugros, et son conseil d’administration, ont fait le choix de partir sur un accompagnement DiNA pour cet hiver (Dispositif national d’accompagnement des cuma, financé en majorité par l’État).
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