La dirigeante du parti indépendantiste SNP sera reçue mercredi après-midi par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, dont les services avaient initialement indiqué qu’une telle rencontre n’était pas à l’ordre du jour. Mme Sturgeon doit auparavant rencontrer en début de journée le président du Parlement européen, Martin Schulz, et les chefs des groupes politiques de cette assemblée.
La dirigeante écossaise tient ainsi une promesse faite des mois avant le référendum: défendre bec et ongles les intérêts de l’Ecosse en cas de Brexit, quitte à ajouter un peu plus à la confusion d’un Royaume-Uni complètement déboussolé. « Je suis déterminée, complètement déterminée à préserver la relation et la place de l’Écosse dans l’UE », a déclaré, combative, Mme Sturgeon, au cours d’un débat consacré au Brexit devant le Parlement d’Edimbourg. « Si nous sortions de l’Europe, ce serait contre notre gré » et « démocratiquement inacceptable », a-t-elle ajouté, soulignant que les Ecossais avaient voté « clairement pour le maintien (NDLR: à 62%) » dans le giron européen. Selon un sondage réalisé pour le Sunday Times, 52% des Ecossais veulent que leur pays se sépare du reste du Royaume-Uni, et que l’Ecosse reste membre de l’Union européenne.
Mardi devant le parlement d’Edimbourg, plusieurs centaines de manifestants se sont réunis pour protester contre le Brexit. « Y a-t-il quelqu’un ici qui a voté pour rester dans l’UE? Ouiiiiii ! », a lancé au mégaphone un jeune homme, encourageant la foule à se mobiliser pour que l’Ecosse reste dans l’Union. « L’Ecosse souhaite la bienvenue à l’UE », « laissez l’Ecosse rester en Europe », pouvait-on lire sur plusieurs banderoles, au milieu de drapeaux européens ou écossais… mais sans un seul « Union Jack ».
En allant évoquer le dossier écossais en plein sommet européen, Mme Sturgeon se place dans la situation délicate d’ouvrir des discussions alors que le Royaume-Uni n’a lui-même pas encore déclenché le processus de sortie de l’UE. Le président du Conseil européen Donald Tusk a ainsi refusé de rencontrer Mme Sturgeon. « M. Tusk pense que ce n’est pas le bon moment », a-t-on dit de source européenne.
Lundi, le ministre écossais de l’Agriculture Fergus Ewing s’était rendu de son propre chef à Luxembourg, pour y rencontrer ses homologues européens. Un rendez-vous « pris de longue date », après sa récente nomination, selon une source à la Commission. « Si le ministre écossais est là, il me l’a dit, c’est parce qu’au niveau du gouvernement écossais ils cherchent des contacts. Il m’a semblé tout à fait légitime de pouvoir le rencontrer », a pour sa part déclaré le ministre français Stéphane Le Foll.
Fausse promesse
Dès vendredi et l’annonce des résultats, Mme Sturgeon avait jugé « hautement probable » un nouveau référendum sur l’indépendance de l’Ecosse après celui de 2014, marqué par la victoire du « non ». « Toutes les options doivent être sur la table pour protéger notre place en Europe, y compris un second référendum d’indépendance », a-t-elle redit mardi, précisant toutefois qu’il ne s’agissait pas du « point de départ » des discussions.
Mme Sturgeon a également annoncé la création d’un groupe d’experts chargé d’aider son gouvernement à protéger les « intérêts » de l’Ecosse, une des quatre nations constitutives du Royaume-Uni. Gilbraltar, un rocher de 6 km2 collé à l’Andalousie où vivent 33.000 Britanniques qui ont voté à 95% contre le Brexit, cherche également à rester dans l’Union. Des « experts techniques » écossais et de Gibraltar doivent se rencontrer pour examiner la possibilité pour les deux territoires de se maintenir dans l’UE, selon un communiqué des autorités de l’enclave britannique au sud de l’Espagne.
Bien que minoritaire au Parlement d’Edimbourg, le SNP de Mme Sturgeon peut compter sur le soutien des Verts écossais, favorables à l’indépendance. « Ceux qui en 2014 ont voté (contre l’indépendance) l’ont fait sur la base de la fausse promesse que leur appartenance à l’UE serait protégée », a souligné le député écossais écologiste Patrick Harvie. La dirigeante des conservateurs écossais Ruth Davidson a revanche accusé les indépendantistes de rendre la situation encore plus compliquée. « Vous n’atténuez pas le choc causé par un référendum en allumant le feu pour un autre », a-t-elle lancé. Lundi, le gouvernement britannique avait estimé qu’un nouveau référendum sur l’indépendance était « la dernière chose dont a besoin l’Ecosse ».