Quand l’eau des villes irrigue les champs

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Quand l’eau des villes irrigue les champs

Des bassins de lagunage permettent de traiter, via les rayons UV du soleil, l'eau rejetée par la station d'épuration. Un système vertueux mais difficile à reproduire.

Depuis 25 ans, une cinquantaine d’agriculteurs de la plaine de la Limagne, dans le Puy-de-Dôme, irriguent leurs cultures en réutilisant les eaux usées de la station d’épuration de Clermont-Ferrand. Une particularité rendue possible grâce à des structures préexistantes pour un traitement de l’eau, permettant de répondre aux normes en vigueur.

L’idée vient de Christian Liabeuf, agriculteur près de Clermont-Ferrand, lors d’un voyage aux États-Unis. Il remarque alors qu’en Californie, les eaux usées traitées sont utilisées notamment pour l’irrigation des espaces verts. À son retour, il a tout mis en œuvre pour dupliquer le système, afin d’irriguer un périmètre en Limagne qui n’était pas alimenté par un réseau d’irrigation collectif. Pour cela, il crée l’ASA Limagne Noire et travaille à la réalisation du projet : réutiliser après traitement une partie des eaux de la station d’épuration de Clermont-Ferrand, habituellement rejetées dans la rivière l’Artière.

Sécuriser les cultures

« Il y a 30 ans, nous cultivions déjà du maïs, et même du maïs semence, mais souvent sans irrigation », indique Christophe Cautier, agriculteur et actuel président de l’ASA Limagne Noire. « Nous n’avons pas de ressources proches en eau. Il y a seulement quelques forages. Ce qui était recherché avec ce projet, c’était de sécuriser les cultures. Aujourd’hui, ce serait inimaginable de faire du maïs semence sans irriguer. »

Irrigation du maïs avec des eaux provenant de la station d'épuration

50 km de canalisations et 150 bornes d’irrigation permettent d’alimenter 50 exploitations pour l’irrigation de 750 ha.

25 ans d’expérience

Le projet semblait simple, il fallait juste trouver un moyen de traiter les eaux usées à la sortie de la station d’épuration, pour répondre aux normes en vigueur sur les eaux d’irrigation. La solution était toute proche. « On se sert de huit anciens bassins, qui couvrent une surface de 13 ha, et qui servaient à la sucrerie de Bourdon pour faire du lagunage. La station d’épuration répond aux dernières normes concernant l’eau qui, pour les autres stations, est entièrement rejetée dans le milieu naturel. Le seul point qui était à résoudre pour l’irrigation était l’aspect bactériologique, et notamment la bactérie Escherichia coli. » C’est là que les bassins entrent en jeu. Une partie de l’eau de la station d’épuration est déversée dans le premier bassin. Elle circule ensuite dans les autres bassins, et met une dizaine de jours pour atteindre le dernier. « Durant tout ce temps, l’eau est exposée aux rayons UV du soleil. Cela permet de détruire en grande partie les bactéries. »

Des bassins de lagunage permettent de réduire bactéries et virus via l'exposition aux rayons UV du soleil.

Le site de lagunage de l’ASA Limagne Noire comporte 8 bassins sur une surface de 13 ha. Des analyses hebdomadaires permettent de s’assurer de la qualité de l’eau avant son envoi dans le circuit d’irrigation.

750 ha irrigués chaque année

Pour atteindre les 50 exploitations, l’ASA Limagne Noire a mis en place tout un réseau de canalisations. « Il y en a en tout 50 km et 150 bornes de distribution. 1 500 ha sont irrigables et 750 ha irrigués chaque année », indique Christophe Cautier. Bien sûr, d’autres exploitations frappent à la porte, et aimeraient bénéficier de cette possibilité d’irrigation. « Le problème est que notre système est conçu pour irriguer 750 ha. Pour desservir plus d’exploitations, il faudrait redimensionner les canalisations, et ce serait un coût trop élevé. Aussi, ce chiffre de 750 ha n’est pas dû au hasard. Il représente la capacité des bassins à traiter l’eau. Pour faire plus, il faudrait trouver du foncier pas trop éloigné pour récréer des bassins de lagunages. Très compliqué et très cher. »

Une station de pompage qui dessert 50 exploitation pour l'irrigation des cultures

La station de pompage de l’ASA Limagne Noire permet d’avoir un débit maximum de 1500 m3/h.

Un coût autour de 500 €/ha

Pour Christophe Cautier, « le coût de l’irrigation avec ce système n’est pas plus cher qu’un autre. Il revient à environ 500 €/ha. Dans ce prix, il y a l’entretien de toute l’infrastructure du réseau. Il y a aussi le prix de l’électricité qui alimente les pompes. Contrairement aux autres irrigants, nous avons aussi des frais d’analyses de l’eau qui sont réalisées toutes les semaines par un laboratoire. En revanche, nous ne payons pas de redevance à l’Agence de l’Eau, car celle que nous utilisons a déjà été taxée. »

Irrigation eaux usées

Christophe Cautier, (a gauche) président de l’ASA Limagne Noire: « Cette année, nous avons utilisé moins d’un million de mètres cubes d’eau traitée pour l’irrigation. Les années de sécheresse comme 2003 ou 2019, les volumes prélevés sont multipliés par trois, ce qui nous permet de sécuriser nos cultures. »

Concrètement, chaque irrigant a souscrit un nombre d’hectares. Chaque hectare souscrit donne un droit d’eau de 2 m3/h d’avril à fin septembre, et cela 24 h/24. Si un irrigant souscrit 20 ha, cela lui donne droit à 40 m3/h. Mais avec ce volume, on peut arroser plus ou moins de surface. Si la décision est d’irriguer 30 ha, le coût sera alors d’environ 330 €/ha.

Pour plus d’information, retrouvez aussi ces articles sur www.entraid.com

 

 

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