Quatre agriculteurs picards, désormais membres de la section « chanvre » de la Cuma de Proviseux, se sont laissés tenter par la Chanvrière de l’Aube en 2009. A l’époque, la coopérative, dont l’usine historique se situe à Bar-sur-Aube, cherchait de nouvelles surfaces en vue de s’implanter au nord de Reims. Depuis, le projet d’usine n’a pas été concrétisé. Mais cela n’a pas empêché la Cuma de Proviseux de poursuivre son engagement coopératif et de doubler les surfaces travaillées cette année (100 ha au total).
Tester avec des risques limités
L’envie de « tester de nouvelles choses » sur les exploitations, avec une culture peu gourmande en temps, hors partie récolte, a décidé Julien, Jean Baptiste, Pascal et Céline. Partir en groupe permettait de limiter le risque en mutualisant leurs coûts sur le tonnage engagé par chaque exploitation. C’est ce tonnage qui sert à calculer la part de matériel en Cuma. Pour la main d’œuvre et les autres matériels (tracteurs, plateau, etc…), il y a un compte d’entraide en fonction du temps et du travail fourni ».
« Impossible de partir sur cette culture sans la Cuma, souffle Jean-Baptiste Cagniart, qui n’a pourtant pas pour habitude de travailler en groupe. Au moment de la récolte on est à 6 dans le champs ». Si deux d’entre eux étaient déjà cumistes, « avec une vieille habitude de travail en commun », les deux autres ont découvert l’agriculture de groupe avec le chanvre.
Apprivoiser la culture et le matériel
Au début, ils ont signé pour cinq ans et sont partis avec « un minimum de matériel » (presse, andaineur et faucheuse prêtée par la chanvrière). Le groupe a fait appel pendant plusieurs années à un entrepreneur du sud marnais pour récolter le chènevis (graine). A l’occasion d’un changement de batteuse, Pascal a opté pour une axial flow de chez CASE compatible avec le chanvre. Cela leur a permis d’être autonome et d’organiser eux même le planning suivant la maturité des parcelles. « En commençant plus tôt nous avons pu doubler les surfaces de 2009. Ce n’était pas concevable avant. D’ailleurs, à mon prochain changement de batteuse, je me renseignerai précisément pour un modèle qui passe en chanvre et dimensionné à mon exploitation pour être réactif en cas de défaillance », ajoute Jean-Baptiste.
Avec une vision à plus long terme et un marché croissant pour les débouchés, le groupe a naturellement réinvesti pour augmenter le débit de chantier à la récolte. (Voir onglet matériel). « Les trois premières années, on ne savait pas faire et on a un peu galéré », se souvient Julien Lapointe, président de la Cuma de Proviseux. « Pas facile pour un polyculteur de se familiariser avec ce type de matériel ». Mais désormais, grâce à l’échange via la coopérative et des chantiers d’entraide avec d’autres producteurs, le groupe « s’est mis à jour ». « D’autres coopérateurs » sont venus les aider et leur montrer comment bien régler les machines ; Aujourd’hui, Chacun a sa spécialité et le travail en commun « permet de se faciliter la tâche ». Au moment de la récolte, la révision prend trois à quatre heure tous les matins, « tout seul ça serait vraiment compliqué », songe Jean-Baptiste.
Une bonne marge brute
« Si tout se passe bien, que la météo est avec nous, on récolte tout en deux semaines et à plein temps », poursuit Julien Lapointe. En année normale, pour le roui (chanvre non battu), la fauche s’effectue autour du 15 août pour laisser rouir pendant 3 semaines avant de faner, andainer et presser mi-septembre. Pour les chanvres battus, on moissonne fin septembre, on fauche à la sortie de la batteuse puis on laisse sécher deux petites semaines pour presser à la mi-octobre. Plus on avance en saison, plus il faut être très réactif, un petit soleil et surtout du vent, un réandainement (bouger l’andain) permet de presser quelques heures de plus, jusqu’à minuit quand il n’y a pas de rosée début octobre », explique Jean-Baptiste.
Après 8 ans de production, les agriculteurs portent un regard positif sur leur choix. Economiquement, le chanvre permet de dégager une bonne marge brute. Le chiffre d’affaires (paille et chènevis) est d’environ 1700 €/ha avec des prix intéressants : 100 €/T pour la paille, et 700€/t en moyenne pour le chènevis. Ces dernières années le rendement des adhérents de la Cuma était d’environ 1,3T/ha pour le chènevis et 8T /ha de paille. « C’est une diversification qui équivaut à une bonne année en colza et grâce à la Cuma, le chantier récolte est plus facile à encaisser », confirme Julien qui ajoute avec le sourire qu’en plus c’est une « culture écolo ».
Le chanvre en quelques mots
Le chanvre est un très bon précédent en blé et amène une culture de printemps dans la rotation. Autre avantage : Après la fertilisation au semis, il se débrouille seul jusqu’à la récolte. Et quand la météo lui plaît, Il peut mesurer jusqu’à 4 mètres de haut. La levée du chanvre, qui intervient 4 à 10 jours après le semis, représente la phase délicate. La graine doit avoir une levée rapide et homogène dans un sol bien structuré, parfaitement ressuyé et réchauffé (10 – 12°C). Le semis se fait en ligne avec un semoir à céréales classique à socs.
Daniel Maillard, responsable amont à la chanvrière de l’Aube « Je ne conçois guère le chanvre autrement qu’en groupe » La Chanvrière de l’Aube a été créée en 1973 et compte aujourd’hui 430 producteurs sur 7800 hectares, principalement dans l’Aube et dans la Marne. Nous réceptionnons 6000 à 7000 tonnes de chènevis et 40.000 tonnes de paille, ce qui représente la moitié du tonnage européen de chanvre. Nous avons une excellente perception des groupes car le chanvre se récolte sur une période où il y a déjà beaucoup de travail dans les champs et où les bonnes fenêtres météo se raréfient. Le travail en groupe est quasi obligatoire et on aura tendance à chercher des collectifs. D’ailleurs, sur les 90 nouveaux coopérateurs en 2017, seuls deux sont en individuels. Pour autant, nous ne recherchons pas de nouveaux producteurs au nord car dans le chanvre, la dépense majeure est l’acheminement des pailles vers l’usine. On a fait une petite exception dans la région de Guignicourt. |