Depuis son décollage en 2012, le drone à usage agricole sert presque exclusivement l’observation de la biomasse, au service de l’optimisation de la fertilisation azotée en blé et colza. Les opérateurs de drones annoncent une diversification des applications à moyen terme (voir encadré ci-dessous), avec un point commun : l’observation. Avec le largage de trichogrammes sur maïs, le drone est en passe de s’offrir une de ses premières fonctions actives en agriculture.
Technique de haut vol à basse altitude
Producteur de semences à Les Pujols (09), Jérôme Sottana est l’un des premiers agriculteurs à avoir testé la technique en France. Son expérience a été dévoilée au public dans le cadre d’Innov’Action organisée par les Chambres d’agriculture. « En collaboration avec Drones&Co, nous avons réalisé en 2014 un essai de largage par drone sur 4 ha de maïs semences que nous avons comparé au reste de la sole protégée par des plaquettes posées manuellement, explique le producteur. Résultats : l’efficacité est similaire, le coût est moindre et la main d’œuvre ainsi libérée reste affectée à la castration. Cette année, c’est l’ensemble de ma production de maïs semences qui sera protégée par des capsules, soit une soixantaine d’ha ». Comme les plaquettes posées manuellement, le largage de capsules de trichogrammes par drone cible la 2e génération de pyrale dans le cas en présence, la première génération étant visée par des applications conventionnelles d’insecticides en limite de passage du tracteur. Si le vol de drone d’observation est une formalité, aux plans technique et réglementaire, la tâche est plus compliquée pour le drone utilitaire et sa charge utile, terme désignant les appareils et accessoires embarqués (caméra, capteur, distributeur de capsules…).
L’aéronautique entre dans la danse
« Faire voler un drone, c’est une chose. Larguer des capsules en vol à la bonne dose et au bon endroit, c’est autre chose, confie Philippe Geny, président de Drones&Co. Le fait est que nous y sommes parvenus et que la technique est promise à se développer, en maïs semences mais également en maïs consommation, où le drone ouvre la voie à une protection des maïs à plus grande échelle, avec une solution durable et précise, plus économique que la pratique par hélicoptère ». Développée avec Agenium, un sous-traitant de l’industrie aéronautique, la charge utile Maïs Top distille les capsules biodégradables (Biocare dans le cas présent) à raison de 100 ou 250 unités/ha selon la concentration en trichogrammes, en survolant les maïs à 6-7 m d’altitude, en ciblant les lignes mâles à la végétation plus abondante, dans le cas de production de semences.
Une alternative à l’hélicoptère
Le succès du largage en vol de trichogrammes n’est pas complètement surprenant dans la mesure la technique a fait ses preuves avec l’hélicoptère. Le changement de vecteur ne bouleverse pas totalement le modèle. Mais il en modifie la donne, aux plans économique et pratique. Avec un tarif compris entre 13 € et 15 €/ha selon les surfaces en jeu, hors fournitures des capsules de trichogrammes, Drones&Co estime que le drone engendre une économie d’environ 15 % par rapport au survol par hélicoptère. Avec une autonomie en énergie et en capsules équivalant à 5 ha, le drone a aussi l’avantage de se prêter à des parcellaires plus épars, quand l’hélicoptère décolle pour des dizaines d’ha pour amortir les coûts. La multiplication des opérateurs de drones devrait aussi jouer en faveur de la technique, en rapprochant l’offre et la demande, sans effrayer les populations suspectes dès lors que de gros moyens sont déployés, fussent-ils aux vertus biologiques. Encore faudra-t-il que le législateur ne rogne pas les ailes du drones, en passe lui aussi d’être stigmatisé pour cause d’usages incontrôlés. « Dans le cadre de largage de trichogrammes, nous survolons des zones privées, à basse altitude avec des faibles charges, justifie Philippe Geny. D’autres applications phytosanitaires sont imaginables. J’espère que le législateur n’enfreindra pas le recours à une technique porteuse de solutions durables au service d’une agriculture de précision ».
Raphaël Lecocq, (09/07/2015)
Des traitements phytos ciblés Le poids des capsules et la dose/ha font du largage de trichogrammes une opération taillée sur mesure pour le drone. D’autres techniques de lutte alternative pourraient s’inviter à bord du drone. On pense aux phéromones en usage en viticulture et en arboriculture. S’agissant des solutions liquides, autrement pondéreuses, le drone pourrait montrer ses limites. Les opérateurs lorgnent néanmoins sur des applications ciblées sur arbres d’ornement tels que les palmiers et les pins victimes respectivement du charançon rouge et de la processionnaire. |
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« Pas encore sous le hangar de la cuma » Laurent Charry, président de la cuma de la haute vallée du Crieu, à Saint-Félix de Rieutord (09) était présent à la démonstration du largage de trichogrammes par drone. Egalement producteur de semences, il est concerné par la pyrale, un peu moins par le drone. « Le drone comme engin utilitaire au sein de la Cuma, ce n’est pas pour demain, observe-t-il. Tout du moins dans notre Cuma très orientée sur l’élevage. La technique est prometteuse et je pense qu’elle va se développer. Remplacer la pose manuelle par le drone pose la question de l’attractivité et de la fidélisation de la main d’œuvre. Cette main d’œuvre nous est indispensable pour castrer les maïs. On en profite pour lui faire poser les plaquettes de trichogrammes. Si on leur retire cette tâche, on leur retire des heures et donc une part de rémunération. Il faut se mettre à la place des jeunes qui cherchent un travail saisonnier. Il faut trouver le bon compromis entre la fidélisation de la main d’œuvre dont nous avons besoin et les avantages du lâcher par drone. » |
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Foisonnement d’applications en vue Les opérateurs de drones annoncent une diversification des applications à moyen terme dans des domaines aussi variés que les préconisations d’azote sur orges brassicoles et sur pomme de terre, la détection précoce de maladies et de mauvaises herbes sur céréales et betteraves, l’estimation de la matière sèche et l’apport d’oligo-éléments en maïs. En vigne, l’analyse du sol, des bois, du feuillage, des raisins est susceptible d’optimiser les pratiques en matière de taille, de charge, d’irrigation, de protection, de récolte. |
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La charge utile Maïs Top concentre une grande partie de l’expertise de lâcher de trichogrammes par drone. | |
Le pilotage d’un drone reste l’apanage de techniciens dûment formés et habilités. |