Construit en cercles concentriques à Gotheron dans la commune de Saint-Marcel-lès-Valence, le verger d’un hectare et demi a été implanté en février 2018 et donnera ses premiers fruits en 2020 au plus tôt. L’expérience doit s’étaler sur une quinzaine d’années.
Finis les champs uniformes et les rangées répétitives de mono-variétés d’abricotiers ou de pruniers, l’Institut d’agronomie a d’emblée parié sur la diversité.
La forme ronde est destinée à protéger la production, pour « faire en sorte que les bio-agresseurs aient du mal à arriver jusqu’aux arbres du centre », explique Sylvaine Simon, directrice adjointe du site.
Les psylles, pucerons, mouches et chenilles gloutonnes qui visent les fleurs ou les fruits, mais aussi les maladies transmises par des spores ou des champignons microscopiques ne doivent pas pouvoir se déplacer ni se multiplier.
Il faut donc tromper la nature et l’utiliser: c’est la biorégulation. Le cercle extérieur est une barrière végétale composée d’arbres hauts, châtaigniers ou noyers, qui font office de brise-vent, et d’arbustes bas qui servent de gîte pour les rongeurs ou oiseaux.
Le deuxième cercle est composé de plantes-pièges, des pommiers précoces (variété Flora-Akane) et résistants. Ils vont « fixer » les pucerons qui auraient réussi à franchir la haie extérieure, démontre Mme Simon. Comme ils produisent tôt dans la saison, les pommes ne devraient pas être trop affectées par une éventuelle « tordeuse », une chenille parasite qui frappe au coeur de l’été.
Limiter l’installation des maladies
Vient ensuite une barrière végétale de figuiers, noisetiers, grenadiers, néfliers, kakis, framboisiers. Ceux-là vont empêcher que les feuilles mortes des pommiers du cercle précédent migrent vers le centre. L’une des maladies du pommier, la tavelure, se transmet en effet par les feuilles tombées au sol à l’automne.
Les six rangs suivants, en spirale, alternent des arbres de fruits à noyaux et à pépins: abricotiers, pêchers, pruniers et pommiers. Les rangs ne sont pas uniformes, une série d’abricotiers voisine avec une famille de pêchers. Les variétés sont rustiques et peu sensibles aux ravageurs et maladies.
Si d’aventure le champignon « monilia », qui attaque la fleur de l’abricot, se développait, il ne pourrait pas affecter plus de quatre ou cinq arbres à la fois, puisque le pêcher voisin ne le craint pas. Même chose pour le pêcher, dont la « cloque », un autre champignon, laisse le pommier de marbre.
« L’idée, c’est de limiter l’installation des maladies » explique Solène Borne, de l’INRA.
Des abris à chauve-souris sont installés pour se débarrasser d’insectes indésirables. « Si on a trop de pucerons, on sèmera des féverolles à l’extérieur du cercle », explique-t-elle. Il s’agit d’une légumineuse qui attire les pucerons et détourne les fourmis.
Pour vaincre les campagnols qui prolifèrent et abîment les racines, des perchoirs ont été installés pour attirer des rapaces.
De la luzerne, semée en inter-rang, est destinée à fertiliser le sol. Cette plante a la particularité de capter l’azote de l’air et de la transmettre dans le sol, évitant ainsi le recours à des engrais chimiques.
« On regarde qui mange qui, et on cherche ce qu’on peut attendre de la diversité végétale en termes de régulation des maladies », détaille Sylvaine Simon.
Ce projet scientifique comporte aussi un objectif professionnel. Le tout a été planté et est exploitable mécaniquement.
Ce verger fait partie d’un vaste programme d’études sur le changement d’échelle de l’agriculture biologique, annoncé par l’INRA au salon Tech and Bio dans la Drôme la semaine passée.
Il fait déjà des émules dans cette région fruitière. « J’ai aussi alterné des arbres », indique à l’AFP Bruno Darnaud, président de l’AOP Pêches et abricots. « Avant je ne faisais pas gaffe à tout ça, les chauve-souris, les oiseaux… ».