Cette semaine nous recevons les quatre principaux candidats de la primaire à droite, c’est la démonstration qu’ils sont, en quelque sorte, obligés de passer par ici », glisse Benoist Apparu, député-maire (Les Républicains) de Châlons-en-Champagne et soutien d’Alain Juppé, dans les allées du hall
d’exposition principal. Surtout qu’une nouvelle poussée de fièvre agite la profession, avec la crise laitière. Au deuxième événement agricole de France, derrière le Salon de l’agriculture de Paris, « c’est le défilé, surtout dans la période actuelle », sourit Hervé Lapie, président de la FDSEA 51 (Marne) sur son stand axé sur la défense des producteurs laitiers. Les personnalités politiques viendront se frotter à quelques-uns des 800 exposants sur les 13 hectares d’une foire qui a accueilli 250.000 visiteurs en 2015. Attendu mardi, Nicolas Sarkozy a été le premier des candidats à la primaire, à annoncer sa venue à cette 70e édition qui a débuté vendredi et s’achèvera lundi prochain. Alain Juppé viendra mercredi, suivi par François Fillon jeudi puis par Bruno Le Maire vendredi, Nathalie Kosciusko-Morizet étant pressentie pour venir lors du week-end de clôture.
Au Front national, Florian Philippot a occupé le terrain lundi et Marine Le Pen pourrait faire un crochet par Châlons avant sa rentrée politique champêtre samedi à Brachay, dans le département voisin de la Haute-Marne. De son côté, le ministre de l’Economie Emmanuel Macron, qui entretient le suspense sur ses ambitions pour 2017, participera sur place jeudi à une conférence économique organisée par le Medef.
Soigner l’électorat paysan
Numériquement, les agriculteurs ont un poids électoral « très marginal » (1 à 2% du total du corps électoral, 5 à 6 % si on y ajoute retraités et salariés agricoles), rappelle Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’IFOP. Mais « leur influence est plus large que leur poids électoral individuel », notamment parce que « dans l’imaginaire collectif, le monde agricole compte encore beaucoup ». Le succès populaire du Salon de l’agriculture en témoigne, ajoute-t-il. « Ils bénéficient d’une cote de sympathie tout à fait importante donc c’est une catégorie qu’il convient de choyer », explique le chercheur. Historiquement, les paysans sont quasiment une chasse gardée de la droite.
Ils ont été 44% à voter pour Nicolas Sarkozy au premier tour à la présidentielle de 2012, selon une étude de l’Ifop. Longtemps « très réfractaires au vote frontiste, comme les catholiques pratiquants », les agriculteurs sont aujourd’hui « dans la moyenne, voire un peu au-dessus » des résultats nationaux du parti d’extrême droite, rappelle Jérôme Fourquet. « Il y a un vrai enjeu pour la droite: conserver cet électorat et faire pièce à la poussée frontiste », souligne-t-il. Surtout que la profession passe d’une crise à l’autre depuis des décennies, ce qui peut la détourner des partis traditionnels. « Si les producteurs de lait en sont là, c’est parce qu’on leur a serré le kiki en réduisant leurs marges au fur et à mesure ! », s’agace Hervé Lapie, alors que les négociations sur le prix du lait avec Lactalis n’ont abouti à aucun accord jusqu’à présent. « On ne connaît plus le projet agricole français car on l’a confié à l’Union européenne via la PAC qui se fait détricoter depuis 20 ans », déplore Maximin Charpentier, président de la Chambre d’agriculture de la Marne. Selon lui, si un homme politique était capable « d’incarner une vision d’avenir, les agriculteurs ne voteraient pas FN. Ils ne sont pas fous, les agri’! ».
Châlons-en-Champagne, 29 août 2016 (AFP)