Diversité. Elle est une réalité. Jusqu’ici relativement standardisée, l’agriculture locale est aujourd’hui empreinte de cette diversité. Les responsables de cuma constatent qu’une dispersion s’opère. Rien que par les objectifs, les méthodes de pensée, la façon de faire ou d’être, ils voient que les coopérateurs évoluent. Christophe Mongodin identifie trois axes de divergence : « l’intensif, le durable et le bio. Nous pourrions même parler d’une quatrième dans des territoires où certains deviennent céréaliers. »
La diversité des sources de diversité
Alain Gournay pense aussi aux circuits courts, face à ceux qui restent sur le schéma traditionnel de valorisation. La diversité des exploitations dans la cuma se voit déjà par leur taille. Dans la cuma, cela se traduit par la situation suivante : « On est toujours un peu confronté à des groupes qui sont sur la performance du matériel et d’autres recherchent plus une diversité des matériels. Si, dans le premier cas, les activités sont bien identifiées, en régime de croisière, dans le second, ce sont beaucoup de groupes qui se construisent, en recherche d’un parc élargi, plus approprié à des pratiques différentes. »
Christian Masserot distingue un nouveau facteur de diversité « qui n’a pas été sans conséquence sur notre parc, c’est la diversité générationnelle. » L’arrivée de jeunes s’accompagne d’une envie de nouvelles technologies. Ils en sont friands. Mais une première réticence se révèle quand « les devis ne sont plus les mêmes lors des renouvellements. Ce n’est pas si simple, il faut que l’activité suive. » Arrive aussi le problème de la prise en main de ce nouveau matériel potentiel, pas simple pour tout le monde.
La diversité est une contrainte
« La diversité amène des tensions », lorsqu’elle conduit à des débats à propos de changements de matériels… « Par exemple quand un élevage 100 % maïs passe en AB et au 100 % herbe, les équilibre changent. On peut devoir créer des nouvelles activités. Il faut avoir la surface en face, ça en enlève ailleurs », poursuit l’éleveur de Bais. Christophe Mongodin fait partie de ceux par qui les questions entrent dans le groupe : « Moi-même, j’oriente mon élevage vers un système beaucoup plus herbager qu’auparavant. Pour moi, la cuma doit pouvoir continuer de répondre à tout le monde », même si avec des objectifs, des intérêts qui s’éloignent, « c’est moins facile de fédérer aujourd’hui des adhérents qu’il y a 10 ans. »
La cuma doit continuer de jouer son rôle
Christian Masserot agrée : « C’est plus compliqué d’animer un groupe quand il y a de la diversité, quelle qu’en soit l’origine. Pour autant, si on veut rester une cuma dynamique, il faut y aller et s’intéresser à ces nouvelles demandes. »
« Néanmoins, nous avons l’enjeu du maintien d’un service de qualité », ce qui, pour Laurent Dalibard, veut dire qu’il faut faire « attention à ne pas partir tous azimuts et prendre des adhérents, des matériels… coûte que coûte. » Ainsi, « nous avons encore des pistes à explorer pour toujours trouver des solutions. » Car elles existent. Le tout est de continuer de prendre des décisions. « Il faut savoir accepter les contraintes, et travailler ensemble. » Bref, le tempérament cumiste doit être présent et entretenu. Ce tempérament qui voit de la complémentarité quand d’autres préfèrent conclure à de la concurrence ou de l’incompatibilité. « Dans notre cuma, nous avons quelques adhérents en agriculture biologique. Leurs objectifs sont différents par rapport à un éleveur en conventionnel, leurs contraintes aussi. Ainsi, ils sèment des cultures de printemps plus tôt et celles d’hiver un peu plus tard », illustre Laurent Dalibard. « Ils trouvent des outils comme la herse étrille, la bineuse, un semoir avec l’inter-rangs adapté… L’impact de leur conversion sur leurs charges de mécanisation a été maitrisé grâce à la cuma, tandis que l’ensemble des adhérents peut désormais aussi profiter de la présence de ces outils. » Tout le monde y gagne quand les responsables trouvent la bonne émulation.
Des responsables compétents et un réseau
Il s’agit là d’un enjeu. « Le responsable de cuma doit développer plus que jamais ses compétences de fédérateur pour créer les prochains projets », pointe Christophe Mongodin. « Il faut des gens qui seront capables de créer le lien entre ces intérêts différents », et parfois aller au-delà de sa propre cuma. Les quatre responsables identifient en effet que « pour s’adapter au besoin de chacun, il faudra bien passer par de l’intercuma sur certains investissements ou aussi pour de l’emploi, car parallèlement, d’autres enjeux de notre agriculture doivent être considérés » dans les choix pour la cuma. Mais constatant aussi que « les gens sont attachés à la notion de proximité de la cuma », leur conviction que l’organisation entre groupes travaillant leur ancrage local se renforce, à la faveur d’exemples concrets, tels que succès d’activités spécifiques réparties sur plusieurs cuma comme le désherbage mécanique. Certains sont sûrs qu’elle est « une force qu’un bureau de cuma doit valoriser. » Alors, la diversité, cela vous effraie ?