Les données démographiques sont implacables: seul 1 agriculteur sur 5 a moins de 40 ans. Et près de la moitié ont plus de 50! Et dans cette catégorie, peu d’exploitants ont un projet de reprise… François Purseigle a dressé un constat sans appel le 14 mars, à Merpins, à l’AG de la fédération des cuma des Charentes, à propos des bouleversements à l’œuvre dans les structures d’exploitations agricoles.
Diminution des exploitations traditionnelles
Schématiquement, trois classes d’exploitations se distinguent:
- des exploitations traditionnelles de taille moyenne en polyculture-élevage, gérées parfois en couple, avec un ou quelques exploitants qui assurent à la fois le travail et la gestion de la ferme, tout en étant propriétaires en partie du capital d’exploitation. Clairement, cette catégorie d’exploitations est exposée à une diminution drastique de ses effectifs.
- des micro-exploitations qui ont tendance à se développer, souvent en circuits courts sur des productions alternatives (maraîchage…) et conduites dans pas mal de cas par des pluriactifs.
- des ensemble d’exploitations gérés en commun sur de grandes superficies où le travail, le capital et la gestion sont dissociés avec un emboîtement de plusieurs sociétés: pool d’ETA pour le travail en sous-traitance, société de conseil-gérance qui contrôlent même les décisions stratégiques tout en assurant la gestion économique, agronomique, commerciale et administrative. Et des exploitants en titre qui leur délèguent l’intégralité des travaux et même des décisions… Ces systèmes d’exploitation, appelées «fermes-firmes» par l’intervenant, sont en quête d’économies d’échelle et de rationalité.
30% du CA de la ferme France !
Ces dernières représentent 10% des exploitations. Davantage dans certains départements comme en Charente-Maritime où l’on compte 400 exploitations qui délèguent l’intégralité des travaux culturaux. 30% du CA de la ferme France et 28% de l’emploi seraient liés à ces nouveaux modèles d’exploitations.
Dans cet environnement agricole en mouvement, deux tendances contraires s’affirment: la baisse des actifs agricoles familiaux d’un côté, et l’essor du travail agricole réalisé par les salariés (1/3 du volume de travail est effectué par des salariés agricole), dont une bonne partie ne sont plus rattachés directement aux exploitations sur lesquelles ils travaillent. Dans ces conditions, on se hasarde désormais à parler de «tertiarisation» des activités productives agricoles.
Appropriation foncière
Si les perspectives de rentabilité des activités agricoles restent médiocres, en revanche l’attrait pour les terres ne semble pas s’atténuer. On a beaucoup parlé de l’achat de foncier par des Chinois dans l’Indre en 2018. «C’est l’arbre qui cache la forêt», remarque François Purseigle. Une bonne partie des acquéreurs fonciers sont européens et d’abord français. Dernier exemple en date d’investisseurs fonciers extérieurs au monde agricole: le groupe Bouygues qui a acheté une vingtaine d’hectares de vignes dans le Cognac, avec une distillerie et du stock d’eau-de-vie. On parle d’un investissement de plusieurs millions d’euros…
Les fissures du modèle «familial» français
Cette réorientation des structures n’est pas sans inquiéter une partie des agriculteurs français qui demeurent attachés à la dimension «familiale» des exploitations. Selon le sociologue présent à l’AG des cuma, la perception de cet enjeu n’est pas du tout le même dans les autres pays européens tels que la Grande-Bretagne ou la République Tchèque. Là-bas, l’attribution préférentielle des primes PAC aux agriculteurs dits «actifs» par exemple, n’est pas une priorité. Le secteur agricole est considéré comme un secteur économique comme les autres. Ni l’opinion, ni les gouvernements de ces pays, ne s’opposent à l’émergence de très grandes structures d’exploitation agricoles déléguées à des sociétés. De ce point de vue, les débats sur la prochaine PAC risquent d’être animés…
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