Le désherbage mécanique constitue une des pistes favorisant la réduction de l’emploi de produits phytosanitaires en viticulture. Le travail du sol et l’enherbement permettent de se passer de l’utilisation d’herbicides. Mais son adoption est freinée par son coût (énergie, temps de travail, organisation des chantiers).
Météo aléatoire
La Cuma Coop Vignes, une douzaine d’adhérents viticulteurs en Sud Gironde, a investi dans des matériels en cuma il y a deux ans, pour un coût de 34.000 euros. «C’est le résultat de la pression sociétale forte sur la réduction de l’emploi des phytosanitaires» explique Yvan Kacki. «Notre souhait était que les machines puissent être utilisées par chaque adhérent, quel que soit le type d’exploitation. Nous voulions éviter d’avoir recours à un salarié, à la fois pour des questions de coût et face aux difficultés à trouver du personnel.» Actuellement, une demi-douzaine d’adhérents ont recours à ces matériels. Ils sont utilisés en intercuma avec la cuma voisine des Grands cèdres. Les premiers retours d’expérience font apparaître que le désherbage mécanique peut se révéler traumatisant pour la vigne. «Par exemple, nous avons observé des mutilations sur les pieds que l’on n’a pas avec le désherbant. Cela devient une porte d’entrée aux maladies.»
Marc Médeville, viticulteur dans la région de Cadillac, et à la tête de la cuma d’Epernon, une dizaine d’adhérents, a lui aussi recours au désherbage mécanique depuis cinq ans. Il a investi en propre. Actuellement, 110 ha sur 170 ha de vigne sont concernés par le désherbage mécanique dont les 22 ha en bio. «Nous sommes une petite cuma, créée il y a cinq ans. Nous avons investi 450.000 euros au cours des dernières années. Il est difficile d’acheter ces outils en cuma, notamment au vu de l’organisation des plannings qui varient en fonction d’une météo aléatoire. Notre crainte était que l’on ait tous besoin des matériels au même moment.»
Des freins bien identifiés
Ni Yvan Kacki, ni la cuma Coop vignes ne reviendront en arrière sur le recours au désherbage mécanique en dépit de freins identifiés. L’alternative mécanique au désherbage chimique est plus onéreuse. «Nous avons fixé un tarif unique à l’hectare: soit 30 euros le passage. Nous avons calculé un cout d’amortissement des matériels et un coût d’utilisation proportionnel au nombre d’hectares à réaliser. Il y a aussi beaucoup de consommables.»
Le temps de travail est beaucoup plus long en fonction des matériels, le désherbage mécanique prend trois à quatre fois plus de temps. Le coût carbone se révèle très élevé en raison du nombre d’heures de tracteurs. Un avis partagé par Marc Medeville, même s’il a fait ce choix en individuel. «Un retour en arrière, n’est pas envisageable, ni dans l’air du temps. Je pense qu’il faut trouver un juste équilibre entre le désherbage mécanique et le recours à une option chimique. Dans mon cas, je fais un passage en désherbage chimique au printemps et deux passages en désherbage mécanique» précise Yvan Kacki. Quant à la pertinence d’une prestations complète avec un salarié, Marc Medeville s’est posé la question: «il faudrait constituer un groupement d’employeurs. Cela n’est pas impossible à l’avenir, mais ce n’est pas notre priorité du moment.» Autre observation faite par les deux responsables de cuma, la filière a envie d’y aller mais il faudra que certains matériels soient plus fiables et économiquement viables.
Pour aller plus loin
La Frcuma Occitanie a publié une série de fiches sur les outils interceps, avec des avis de techniciens et d’utilisateurs. D’autre part, le Service entreprises de la Chambre d’agriculture de la Gironde a créé Eco-Vitisol 33, un calculateur pour chiffrer les conséquences d’un passage au désherbage mécanique de la vigne, en terme de mécanisation, carburant, temps de travail.
Article extrait du numéro spécial Entraid’ Gironde et Lot-et-Garonne – Février 2020.