L’association Novissen, qui revendique 3.000 adhérents, a organisé dimanche sa troisième fête annuelle « anti-ferme des 1.000 vaches ». Elle peut se targuer de la présence de Barbara Pompili, secrétaire d’Etat (ex-EELV) à la biodiversité et ancienne députée de la Somme, ainsi que des députés européens écologistes Karima Delli et Pascal Durand. Cette ferme, les militants la qualifient d' »usine ». L’alignement de plusieurs centaines de vaches mangeant leur pitance à l’unisson fait en tout cas une forte impression visuelle, qu’accentue la forte odeur de l’établissement. Point de pâturage: les bovins ne quittent leur enclos couvert que pour la traite – mécanisée – trois fois par jour. De quoi en faire le symbole médiatique d’une certaine agriculture productiviste à grande échelle. La ministre de l’Ecologie Ségolène Royal a récemment demandé une nouvelle enquête publique, après une première étude favorable à l’extension du cheptel à 800 bêtes. L’investisseur, le groupe BTP Ramery, ne l’a pas pour autant attendue pour porter le troupeau à 844 animaux.
Au rassemblement, l’ambiance est festive. On chante et danse au son d’une fanfare, on épingle des affichettes à jeux de mot tels « Porcs d’attache » ou « Bouteille de laid », avant d’écouter les prises de parole. « Est-ce bien normal d’enfermer 800, bientôt peut-être 1.000 bêtes, qui plus est avec cette chaleur? », s’emporte Francis Chastagner, ancien prof d’anglais aujourd’hui retraité, à la tête de Novissen. « Ce n’est plus une ferme, c’est une usine, d’ailleurs on parle bien d’employés (ils sont 25, ndlr) et non d’éleveurs. C’est la mort de l’agriculture! » Les 150 militants ont la large panoplie d’arguments que donnent leurs diverses sensibilités politiques. Il y a d’abord les défenseurs des animaux, dont Aurélien, enseignant au lycée de Grandvilliers (Oise), végétalien. « Il y en a ici qui viennent pour une querelle de voisinage, parce qu’ils n’aiment pas avoir cette ferme à côté, moi je suis là pour les animaux », dit-il.
Lubie d’entrepreneur
Il y a aussi les partisans d’une agriculture alternative, comme Didier, syndiqué à la Confédération paysanne. « Moi c’est viscéral, je défends les petites fermes, pour une économie différente redonnant de la convivialité dans les villages, loin de l’exploitation actuelle qui en plus favorise la baisse des prix », souligne celui qui fut éleveur pendant 30 ans, l’un des seuls de la manifestation. « La ferme des « 1.000 vaches », c’est une lubie d’un entrepreneur en bâtiment qui rêvait d’être agriculteur, lui qui a été le fossoyeur de nombreux paysans dans la région », assène Didier en référence à Michel Ramery, récemment décédé. « Avant, il y avait un certain respect des vaches, on ne les mettait pas en batterie comme ça », s’insurge Michel, d’Abbeville, ingénieur réseau à la retraite, qui se définit comme un « anarchiste libertaire ». « Dorénavant avec ce modèle expansionniste, les gros bouffent les petits ». « C’est surtout pour l’aspect grosse boutique, qui n’est plus centré sur l’humain, que je suis contre cette ferme », abonde Monique, 84 ans, adhérente de l’organisation altermondialiste Attac.
D’autres enfin mettent l’accent sur l’environnement. Au micro, l’un d’entre eux affirme que la concentration de nombreuses vaches aboutit à la production, via les excréments, d’ammoniac en grande quantité, qui se transforme en particules fines polluantes. Francis Chastagner demande, lui, une étude d’impact des nitrates sur la nappe phréatique. L’exploitant Michel Welter, qui scrute de loin le rassemblement avec réprobation, se défend avec combattivité auprès des journalistes. « Ce projet a été conçu pour baisser les coûts de production. Le pâturage entraîne des problèmes de sécurité avec autant de vaches. Pour autant, est-ce que vous sentez de l’ammoniac, ou voyez des mouches? Est-ce que vous sentez du stress chez ces vaches? Non! », s’exclame-t-il en se tournant vers un bovin, qui mâche paisiblement.
Drucat (France), 11 sept 2016 (AFP) Par Baptiste BECQUART