L’épuisement, le «burn- out», n’est pas réservé aux seuls citadins surbookés et tourmentés par les rythmes trépidants de la vie urbaine! En élevage aussi, la recherche de productivité et de compétitivité, l’augmentation des tailles d’élevage, la modernisation ininterrompue des installations, la pression administrative…, désespèrent une fraction importante d’éleveurs. La MSA parle de cas «d’épuisement émotionnel» et d’une «diminution de l’accomplissement personnel au travail». A côté des maladies professionnelles directement causées par une exposition aux risques physique, chimique ou biologique, on prend de plus en plus en plus conscience aussi des risques psycho-sociaux. Les chiffres parlent d’un suicide tous les 2 jours en agriculture! Les membres du Réseau Mixte Technologiques (RMT) « Travail en Elevage », qui réunit des représentants de la recherche, du développement et de la formation agricole, ont abordé de front cette question de la santé au travail, le 20 mars dernier.
Ambiance délétère
Les professionnels de la santé constatent les difficultés psychologiques que traversent de nombreux éleveurs. Deux facteurs d’explication sont mis en avant: l’isolement sur sa ferme et le regard médiatisé de la société, volontiers accusatrice vis-à-vis des éleveurs. Cette pression de l’opinion publique, conjuguée à la promulgation de normes environnementales draconiennes, place l’éleveur dans une situation de vulnérabilité. Globalement, c’est la question du «sens du travail» qui est posée. Le manque de reconnaissance de la société, à commencer parfois par celui de ses proches voisins, conduit à anéantir la fierté légitime de faire le métier d’éleveur dont la fonction première est pourtant noble: nourrir les hommes.
Plus de stress
Dans le vécu quotidien des éleveurs, les repères sont également bousculés: amplitude, astreinte, charge de travail, répartition… Les aspirations de qualité de vie sont parfois incompatibles avec les contraintes de l’élevage. Certes, la modernisation des équipements génère des gains de temps. On estime ainsi que la traite robotisée peut économiser jusqu’à 30% du temps de travail par rapport aux équipements initiaux, voire 50% pour l’automatisation de l’alimentation.
Mais si certaines tâches disparaissent, de nouvelles apparaissent: consultation de données sur l’ordinateur, maintenance des outils… Les relations «homme-animal» sont aussi profondément transformées par cette présence croissante d’automates ou de capteurs. Une certaine «familiarisation» avec les animaux disparaît. L’adoption de ces nouvelles technologies génère du stress: besoin d’apprentissage pour adopter ces nouveaux équipements, sentiment de forte dépendance vis-à-vis des réparateurs, difficulté à se faire remplacer dans de tels élevages équipés… En contrepartie d’une réduction de la pénibilité physique, la charge mentale tend à augmenter.
Usure de l’esprit et du corps
Les phénomènes d’usure du corps persistent aussi avec l’apparition de troubles musculo-squelettiques en présence de tâches répétitives. Les médecins du travail parviennent désormais à mieux à évaluer certains maux. C’est le cas pour l’irritation des voies respiratoires qui affecte les travailleurs confrontés, quotidiennement dans les poulaillers ou les porcheries, à des niveaux importants de poussières et de particules d’ammoniac, ou aux biocides lors des désinfections de bâtiments. Dans ces conditions de difficultés physiques et mentales, les actions de prévention des risques en élevage, demeurent plus que jamais indispensables…
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